19.02.2004
Le hasard et la bonne affaire…et nous ne
regrettons ni le voyage, ni le séjour (en ½ pension) à 198€ la semaine y
compris les taxes d'aéroport de 50€, tous comptes faits, c'est pas cher.
Pour ce prix
là, c'est 2h30 de vol et 6h30 de RER + attentes + transferts (déjà on profite
bien de l'aéroport… c'est l'aéroport de Paris Roissy 3 (charters) un grand
hangar métallique posé limite l'extrémité du Val d'Oise et l'embarquement à cet endroit c'est par
autobus donc on visite…) pour atterrissage à MONASTIR qui est aussi la ville de
séjour.
230€ le vol sec, c'est ce que
d'autres ont payé, les Tunisiens qui reviennent au pays pour fêter la fin du ramadan en famille et ceux-là
chargés au-delà des 15kg contractuels par passager doivent s'acquitter auprès
de la compagnie Nouvelair d'une taxe pour excédent de bagage. Elle est de 6€50
par kilo et il y a seulement une caisse pour recouvrer les sommes donc pendant
que le tiroir caisse chauffe au rouge, l'avion est cloué au sol…et les
passagers qui ont respecté les normes attendent... Pas folichon non plus, c'est
un A320 où l'espace est calculé au plus
juste comme le poids des bagages.
Le repas sera servi halal (viande
exsangue) comme il se doit :
et comme il n'est pas dit dans le coran: bonum vinum
laetificat cor hominis.
Le bon vin sera vendu.
Départ 17h15 PARIS 15ème. Arrivée
2h15 du matin à l'hôtel, à MONASTIR.
NICKEL, comité d'accueil au
complet, d'une efficacité redoutable : la clé de chambre est donnée contre les
billets d'avion de retour…
Nous nous retrouvons sans billet
de retour et entre français au TROPICANA …et très vite nous allons comprendre
que nous sommes rassemblés par nationalité et par hôtel, par le jeu des tours
opérateurs et bien d'autres raisons sans doute.
Tous les hôtels sont construits en
chapelet, dans "la zone touristique" en bord de mer et dans une
architecture qui n'est pas obligatoirement moche.
L'autre détail étant que de la sorte
nous sommes loin des minarets des mosquées de la ville et de leur sonorisation
diabolique parce que le chant du muezzin à l'aube blafarde quand on n'est pas
un bon musulman, et 5 fois par jour tous les jours, ce peut être un
inconvénient.
Nous sommes cornaqués maximum,
l'animation est d'enfer, et chaque créneau pour nous faire cracher au bassinet
exploité à merveille.
Et alors là : "caveat
emptor"!
Et les autres aussi, si ils n'ont pas
leur vaccin antitétanique à jour. Par exemple… Des chevaux montés caracolent
sur la plage à la recherche d'un nouveau cavalier, le genre… « ma
serviette de plage pour un cheval… » à Hue et à Dia…et… à cru! le nouveau
cavalier, enfin presque..
Et les autres. ? Sur la plage, le
crottin aussi !
Monastir, c'est la ville native de
BOURGUIBA qui a tout mis en œuvre pour sa mise en valeur et la sienne et
l'inverse.
Bon, pour lui c'est carrément LE
MAUSOLEE…style… Allah est grand… et le Combattant suprême aussi.
Déjà une esplanade immense, dallée
superbe, colonnée pareille, une grille
impressionnante, une architecture de marbre et nous aussi d'ailleurs parce que
trop, c'est trop grand, trop rutilant, trop minéral, trop riche, trop
prétentieux, coiffée d’un dôme doré, avec deux minarets.
Et lui, trop mort, juste à côté du
cimetière marin de Sidi-el-Mézeri face à la mer aussi, parce que nous sommes
tous égaux face à la mer…
Et lui, uni dans l'amour avec sa
première épouse…. et les autres un peu plus loin dans d’autres salles… juste
derrière le fort ou Ribat dont toutes les pierres du IXième siècle ont pour la
cause été l'une après l'autre passée au papier de verre…
Reste la mer… et même on se
demande, parce que c'est LA MARINA.
nb : Le Ribat est
un fortin défensif situé près de la mer (par laquelle pouvait arriver le
danger) destiné à accueillir les ascètes guerriers qui se vouaient à la défense
de la foi.
Demain ce sera un autre jour et une
autre merveille : la réserve nationale et internationale d'ICHKEUL
C'est au nord-ouest de TUNIS,
c'est loin. Départ à l'aube.
C'est 550km aller et retour sur
route et autoroute splendides.
Sur ces grands axes on se dirige
facilement, les panneaux sont en arabe et en français.
C'est notre première immersion en
TUNISIE en quelque sorte, et une stupéfiante prise de conscience : le
moderne y côtoie l'ancestral d'une façon naturelle.
Il n'y a que nous que cela
surprend, alors que nous sommes sur la 2 fois 2 voies de la Nationale 1, la
seule grande route qui traverse le pays N-S, de dépasser des carrioles tirées
par un âne qui progressent sur le bas côté.
ICHKEUL, Il s'agit d’un mont et
d'un lac immense aux eaux vertes et transparentes bordées de falaises…sauf à
chaque arrivée d'oued où à ce moment là le rivage est sablonno- vasouilleux.
Ce sont ces endroits qui
accueillent pour l'hiver, en échantillon bruyant, tous les limicoles d'Europe, grues,
spatules, flamants, et tous les autres bien plus petits, limite invisible
derrière les touffes rabougries des salicornes…ceux qui ont de la chance
verront les buffles et les loutres…les
autres sur le DJEBEL seulement les traces des sangliers et les vaches sauvages
parmi les oliviers d'Europe, les pistachiers lentisques, les genévriers, les
chênes verts et les euphorbes.
Et dans cet endroit uniquement
dévolu à la nature qui se nomme Parc National et est inscrit au patrimoine mondial
de l'Unesco, LES PHOTOS SONT INTERDITES…
Stupéfaction mise à part, on a
vite fait de comprendre qu'en TUNISIE pour les photos il y a un souci.
C’est plus souvent interdit
qu'autorisé…En ce qui concerne les édifices touristiques quand cela est autorisé,
il faut payer un droit.
En ce qui concerne les
édifices gouvernementaux ou militaires c'est encore plus interdit qu'interdit par panneaux ce sont des
plantons ou voire des patrouilles armées, qui l'interdisent…L’ambassade de
France?… SECRET DEFENSE... !
En ce qui concerne le
palais présidentiel, on n'a même pas de droit de regarder en direction des
grilles…
Tous les 20m, un militaire
de faction, le sifflet aux lèvres et les bras en moulinet, à côté de sa moto
dont le moteur tourne, nous oblige à faire fissa… et on fait fissa et il n'y a
pas photo…
A ICHKEUL c'est plein les yeux.
C'est le jour de l'Aïd el Fitr
donc la fête de fin du ramadan, nous sommes 8 personnes sur plus de mille
hectares dont 2 ornithologues allemands, c’est la fête, c’est merveilleux.
Si ce n'est que quand même, 150
autochtones habitent sur le site, sans eau ni électricité et à voir la pauvreté
du village on a honte de s'intéresser aux bécasseaux.
Demain sera un autre jour et de
nature nous irons en culture…
KAIROUAN et c'est un grand moment d'architecture et dans ce
cas là même chose, il faut partir très tôt
pour l'apprécier à la lumière frisante du matin, ce moment où on perçoit
véritablement toutes les nuances permises par la patine de la pierre et où toutes
les irrégularités des murs uniformément blancs prennent un relief saisissant.
Ce n'est pas loin W-SW 250 km
aller et retour, sur route nationale superbe bordée d'une piste pour carrioles,
le troisième jour nous n'avons pas encore intégré la constante du mélange intime de la modernité et de la
nuit des temps…
KAIROUAN c'est La Grande Mosquée
de Sidi Uqba – un des 4 lieux saints de l’islam – La Zaouïa de Sidi Sahab ou
mausolée du barbier de Mahomet, Les Bassins des Aghlabides, la Médina et ses
marchands de tapis.
Nous ferons ces visites
accompagnés par un Guide Officiel que nous irons chercher à l'Agence de Mise en
Valeur du Patrimoine et de la Promotion Culturelle et déjà cela n'est pas facile car où que nous soyons en voiture,
nous sommes stigmatisés par notre plaque minéralogique. Elle est bleue pour les
voitures de location, résultat en ville nous sommes la cible de toutes les
convoitises. Et le drame c'est qu'il n'y a même pas la barrière de la langue,
tout le monde parle français et ça, ça décoiffe car depuis 1957, on pouvait
imaginer que la langue des anciens "protecteurs" ne serait pas
systématiquement enseignée dès l'école primaire.
Voiture de location détectée, si
le passager a par nécessité, une carte dans les mains, malheur, ils sont 20
tunisiens en mobylette qui veulent nous indiquer la route…comme ça… par
gentillesse…parce qu'ils sont étudiants…pour parler français… il faut les
suivre… et l'expérience montre qu'ils savent mieux que nous où nous allons,
puisqu'ils nous conduisent où ils veulent nous voir aller, chez un marchand de
tapis par exemple...
Le stationnement, pour les
touristes n'est jamais gratuit non plus, car il y a toujours un type qui
surgit, qui se déclare gardien et à qui il faut payer un droit…
A pied on n'est pas mieux loti,
continuellement interpellé, salué, pisté, questionné, conseillé, accompagné
pour une visite spéciale privée commentée rien que pour nous pour un achat chez
un marchand de tapis…
Bon cela suffit! …Une autre fois
les échanges inter-communautaires non mercenaires.
La Grande Mosquée de
Kairouan quatrième dans la hiérarchie des pèlerinages (après la
Ka'ba à La Mecque, La Coupole du Rocher à Jérusalem et la maison de
Mahomet à Médin..)
Et grande dans la hiérarchie des
mosquées de Kairouan parce que c'est là
où est prononcée l'oraison du vendredi.
Mais elle est grande aussi
(175m/70m tout compris entourée d'une enceinte flanquée de contreforts.)
Elle se compose d’une cour, d’un
minaret et d’une salle de prières et de grands murs de clôture lui donnent un
aspect très sévère.
Une cour immense
dallée de marbre blanc dont la pente
est étudiée pour permettre la collecte des eaux de pluie si précieuses à l’orée
du désert et si nécessaires pour les ablutions. Eaux de pluies qui traversent un
astucieux système de chicanes en alvéoles de marbre sculpté avant d’être stockées dans des citernes souterraines.
L’eau n’est plus potable depuis qu’il est permis de marcher dans la cour.
Autrefois seulement les galeries autour de la cour étaient autorisées pour la
déambulation… galeries à double colonnade en pierre de taille particulièrement
remarquables et qui cernent complètement la cour avec à un endroit une grande
poubelle en plastique noire dans laquelle trempe un long tuyau en caoutchouc rouge lequel est abouché à un robinet
…pour les ablutions..
Une salle de prières où il faut être musulman pour
entrer et un minaret carré
surmonté d’un dôme où cette qualité ne suffit même pas.
C'est le monument islamique le
plus ancien d'Afrique du Nord, c’est aussi un des plus riches artistiquement
parlant mais là, il faudra qu’on nous raconte..
Une mosquée n’est pas seulement un
lieu de rassemblement pour la grande prière du vendredi midi celle avec le
prône de l’imam, c’est aussi un lieu d’asile pour le pauvre et le fugitif…à
condition qu’il soit musulman…
La salle de prières ou haram nous
n'y mettrons pas les pieds même déchaussés, (il y a de nombreux petits casiers à
étagères en contre-plaqué pour la dépose des chaussures) nous, infidèles, nous
restons aux portes.
Le sol nous ne le voyons même pas car il est couvert par les tapis de
laine des jours de fêtes (cadeaux des fidèles) qui recouvrent les nattes
végétales des autres jours (cadeaux des fidèles), même le bas des colonnes est
protégé des « souillures » par des tapis enroulés autour, précautions
qui nous empêchent de voir les colonnes dans leur intégrité, une forêt de
colonnes pour 19 nefs de 7 travées chacune ? Et « forêt » ce n’est pas une façon imagée d’évoquer les
colonnes car c’est 440 colonnes certaines doublées à l’endroit du transept, que
l’on a sous les yeux et comme ce sont des colonnes de remploi, des temples
romains et byzantins…aucune n’est identique, marbre, porphyre, granite, effet
superbe…elles soutiennent des arcs en plein cintre…Magnifique, dans la
pénombre, les reflets des ampoules électriques sur la diversité des pierres
!
Dans ce très grand espace (profond
de 37m et large de 70m) sans fenêtre, une chance le chatoiement des
tapis ! une mer de tapis, posés côte à côte pour cause de fête de l'Aïd el
Fitr…
2 590m2, de tapis
aussi précieux les uns que les autres, aussi divers en matière, en couleurs et
en motifs, cela ne s’oublie pas…
Au fond de la salle, à 37m, le
mur de Qibla orienté vers La Mecque, c’est face à ce mur que les musulmans
se tournent pour prier, bien rangés en lignes parallèles (comme les chrétiens
dans les églises de la chrétienté).
La prière c’est tous les jours, 5
fois par jour, hommes et femmes séparés, prière de 5 mn, sauf le vendredi ou
c'est 40 mn en plus pour écouter le prône…
C'est pieds nus, pieds, mains et visage lavés, prière prosternée, le front sur le tapis (les
gens très pieux ont un cal au front et sont très respectés rapport à cette
protubérance…)
Les musulmans croient que le
Coran contient les paroles exactes qu'Allah dicta au prophète Mahomet. Les
scribes s'employèrent à écrire la parole de Dieu le plus parfaitement possible
créant de véritables chef-d'œuvres calligraphiques…qui sont à la base de la
décoration de toutes sortes d'objets et monuments.
Lorsqu'un musulman se
recueille dans une mosquée, il peut lire tout autour de lui des textes sacrés
sur les murs, les pavements, les colonnades, les carreaux de mosaïques et pour
un non musulman, ces épigraphies sont d'une grande beauté "formelle"
dans tous les sens du terme.
A 37m, le MIHRAB (c'est une niche qui marque le mur de
Qibla et devant laquelle l’imam conduit la prière et qui correspond aux chœurs
des églises de la chrétienté qui elles, sont orientés Jérusalem) c’est le saint
des saints et la richesse de sa décoration l’atteste : colonnettes de
marbre rouge, étonnant plaquage de marbre ajouré dans sa concavité, une voûte
en coquille décorée de rinceaux dorés se détachant sur fond noir et frise de 130 carreaux de faïence lustrée…
qui ne seront vus qu'avec des jumelles…
Décor abstrait (d’une richesse
inouïe) afin de ne pas distraire l'homme en prière. Mille regrets de ne pouvoir
nous en approcher… physiquement… car pour le reste, c’est sûr, l'art musulman
c'est déjà l'approche de Dieu… des entrelacements géométriques et leur
déroulement mécanique qui n'ont ni début ni fin.
C’est surtout dommage pour
les faïences lustrées, de loin nous ne voyons rien du « lustre » qui
en fait toute la beauté !
nb: faïence lustrée,
existera sous l'impact de l'exportation des porcelaines chinoises = faïence
décorée selon la technique des reflets métalliques (lustres) qui sera exportée jusqu'au Maghreb.
Nous ne verrons les si beaux
reflets métalliques et leurs changeantes irisations que dans la Zaouïa du
Barbier mais c'est la porte à côté.
A 37m, à droite du mihrab, le
MIMBAR, ici particulièrement exceptionnel soi-disant, chaire avec un
escalier en bois de teck à 11 marches, divinement sculpté… l'exemple le plus
ancien du monde islamique, pour le prône du vendredi (correspond lui aussi à la
chaire des églises de la chrétienté).
Pour avoir une idée, le guide nous
fait admirer les portes du sanctuaire, elles sont travaillées en une précieuse
dentelle de bois…magnifique ! … mais bon, elles ne donnent qu’une idée…
A 37m, à droite du minbar, la
MAQSOURA, clôture en dentelle de cèdre
qui permettait d’isoler le souverain pendant la prière.
Nous avons l'équivalent dans les
églises de la chrétienté, avec par exemple le banc d'œuvre.
Remarque : en Islam
comme ailleurs il y en a qui sont plus égaux que d’autres… devant Dieu.
Cet espace privilégié communique
directement avec l’extérieur.
Le MINARET, carré, haut de 31,5 m sert au muezzin pour l’appel
à la prière, il paraît plus juste de dire qu’il sert du haut de ses 3 étages de
remarquable stèle aux haut-parleurs qui eux, font retentir l’invite.
Tous les minarets sont sonorisés.
Avant cette assistance, le muezzin
devait travailler sa voix de façon à lui donner la puissance nécessaire pour
être entendu le plus loin possible, donc il devait s’entraîner à renforcer son registre aigu, genre voix des
contre-ténors de l'opéra baroque.
La voix des muezzins c’est à Haute
Voix, la Voix Haute, pour conduire sur la Voie Divine à des Hauteurs inimaginables elles aussi.
C’est impressionnant, vocalique et
subtil !
LA ZAOUÏA de Sidi Sahâb
ou Mausolée du Barbier, c’est là
qu’est enterré l’un des compagnons du prophète qui portait toujours sur
lui 3 poils de sa barbe…
C’est aussi un lieu de pèlerinage.
On y célèbre avec faste le MOULED
fête commémorant la naissance de Mahomet.
C’est une merveille d’architecture
élégante du XVIIe.
Un espace clos, 2 cours dont une
avec des colonnades et un plafond à tomber par terre, et des vestibules où
c’est le cas d’école de l’interprétation virtuose des matériaux décoratifs de
l'art islamique :
- parements sculptés,
- parements polychromes en
faïence,
- stucs.
Et le stuc on est obligé de s’y
intéresser parce que l’effet est saisissant et que c’est le matériau principal
des architectures islamiques ( La technique est apprise des perses sassanides) elle est
parfaite pour couvrir rapidement de grandes surfaces et la couleur blanche va
avec tout…et surtout avec les ocres des briques cuites ou crues utilisées par
ailleurs.
L’entrée du sanctuaire proprement
dit est interdite aux non-musulmans, les roumis.
LES BASSINS des AGHLABIDES
Deux réservoirs immenses, en eau
(128m de diamètre pour le premier… qui possédait en son milieu une île sur
pilotis construite pour le confort du souverain, il venait y rafraîchir sa
sieste…)
Ces bassins, destinés à
pourvoir la ville en eau, ont été construits au IXe siècle en même temps que 13
autres qui ont disparu.
Alors là, pour le confort des
touristes c'est moyen, l’eau est croupie, et dégage une odeur pas du tout
romantique, alentour.
LA MEDINA
Sans accompagnement du Guide
Officiel…Pas facile, d’y flâner…Nous sommes constamment importunés par les
autres, soi-disant guides dont il est difficile de se défaire car si nous ne
les suivons pas ce sont eux qui nous suivent…une véritable plaie…
D'abord on circule autour de la
médina et on s'aperçoit que, en fait la médina est circonscrite par les maisons
elles-même – sans aucune ouverture sur l'extérieur avant le premier étage – et
que ces maisons se sont collées les unes aux autres pour constituer une
barrière défensive…
On pénètre normalement dans la
médina par des portes et on en parcourt les rues tortueuses bordées de maisons
d'habitation étonnantes, toutes d’une blancheur inattendue. Les axes principaux
sont surmontés de petites coupoles en pisés, si proches, qu'elles ne forment
qu'un seul toit. La lumière pénètre au moyen d'une petite ouverture circulaire
au centre de chacune d'entre elles. Pas trop clair le tunnel…
La coupole répond à des
impératifs techniques et climatologiques. Les rayons du soleil ne frappant qu'une partie de la coupole, la
partie restée dans l'ombre permet le rafraîchissement de l'air à l'intérieur.
Et puis il y a les souks, pas très
agréable la déambulation sans GPS, dans un dédale de ruelles alors que nous
sommes perpétuellement "sous influence" : vendeurs de tapis, vendeurs
de souvenirs…qui choisissent pour nous dans un fatras de pacotilles la
merveille qui nous ira bien… par exemple un vrai faux scorpion en plastique
bien encadré sous verre… et là où cela fait peur c’est que si la chose est
proposée à la vente c’est qu’elle se vend…
Nous aurons quand même droit à la
visite chez un marchand de tapis, proposée par le Guide Officiel, sous forme de
Grande Démonstration, nous assis avec du thé à la menthe à la main, eux,
déroulant des tapis…et des tapis…et des tapis tapi-toyables… c'était une très
vilaine sélection…et pas facile de les arrêter… mais enfin nous étions
assis !
Les plus beaux tapis nous les verrons
à la SOCOPA qui est un organisme gouvernemental pour la promotion de
l'artisanat. Les articles proposés à la vente dans ce genre de magasin
répondent à un cahier des charges rigoureux. Les prix affichés ne sont pas à
débattre et en tout état de cause ils donnent une idée de la valeur de la
marchandise que l'on peut trouver dans le souk où aucun prix n'est affiché…
EL JEM
Au cœur de la région des oliviers,
des centaines de kilomètres carrés d’oliviers, plantés avec une rigueur de géomètre,
et irrigués sur une presque aussi
grande superficie, hallucinants ces milliers de petits remblais de terre
construits pour moduler l’itinéraire de l’eau en fonction des besoins…et Zen en
plus !
La surprise qui nous attend à El Jem,
c’est un gigantesque amphithéâtre romain qui se dessine dans le paysage des
oliviers au fur et à mesure où nous nous avançons sur la longue ligne droite.
L’approche est comparable à
celle de la ville de Chartres lorsque la cathédrale sort comme ça par magie de
la Beauce.
El Jem, ancienne Thysdrus une des
villes les plus riches de la Tunisie romaine alors "panem et
circenses?" et la bien nommée : jem… Gemme… j’aime…l’amphithéâtre
encore pas mal debout… Le troisième des amphithéâtres romains par la taille
après Rome et Capoue (surpasse Nimes). Et alors au soleil couchant, le doré des
pierres… romantique…et les corniches de marbre sculptées répandues au sol qui
servent à retenir un peu de terre pour faire pousser du tabac d’ornement…scandaleux…
La ville n’est plus maintenant
qu’une petite bourgade ordinaire.
LE CAP BON
Choisi parce que c’est :
- l’exemple de la nature la
plus cultivée – le bon jardin de la Tunisie gorgé de vignes, d’orangers
(c'est là, les maltaises), de blé, de primeurs.
- l’exemple le plus cultivé
du tourisme mégalo– HAMMAMET –
En même temps nous longeons des
lagunes en cordon, splendides, remplies
des limicoles d’EUROPE.
Nous traversons la capitale
tunisienne de la poterie : NABEUL, où l’art apporté par les céramistes
andalous a depuis longtemps capitulé
devant la nécessité économique. Les objets exposés sont uniformément
sans caractères, c'est l'indigestion des gargoulettes… quand ils ne sont pas de
mauvais goût…c'est l'overdose des dromadaires.
Nous sommes susceptibles d'y voir
LA SICILE qui n’est qu’à 140km mais attention, nous ignorions que la mer, entre
la Tunisie et la Sicile, c’était SECRET DEFENSE et nous, pour mieux voir La
Sicile nous avions installé la lunette d'ornithologie…aïe, aïe, aïe, mamma
mia!…les drôles d'oiseaux… et sur le moment ça ne fait pas rire du tout, et
nous ne mettons pas longtemps à comprendre ce qu’est un état policier…
-
Ouf ! lunette sauvée… surtout que le type exigeait
qu'on lui donne le film…
- l’exemple le plus émouvant d’une
ville d’eaux démodée… 7 sources d’eau chaude de 40 à 60°C dont une qui s’écoule
directement dans la mer, KORKOUS à l’architecture décadente sauf en bord de mer
et au panache… mais seulement de vapeur.
- l'exemple le plus évident de la
Tunisie industrieuse avec la concentration la plus importante de petites
usines de confection de grand chic : c’est ici que se fabriquent à prix
compétitif les supers robes sexy des grandes maisons de Paris et ce qui est
cocasse, façon de parler… c’est que les techniciennes de cette confection haut
de gamme sont, elles, habillées de blouses de coton, modèle années 50, à peine cintrées, longueur chevilles, d’un
bleu-gris d’une grande modestie, et une sur trois ou quatre porte le hijab (le
voile qui ne laisse voir que l'ovale du visage.)
Cette région rurale est agréable et authentique.
Eh bien! Justement, demain nous
irons à TUNIS, départ à
l'aube.
D'abord trouver le parking gardé
(et ça ne rigole pas il est gardé par 2 vigiles à chaque étage) et ensuite à
pied, se promener dans le centre de la ville marqué par l'architecture
coloniale et la médina.
Cela n'a pas fini de nous étonner
cette confrontation modernité, tradition.
C'est particulièrement flagrant
pour la tenue des femmes qui sur le même trottoir sont :
- policières en uniforme, cheveux
courts le sifflet aux lèvres et l'autorité au bout du bras et
- voilées
grave dans la mesure où certaines recouvrent des vêtements informes qui
descendent jusqu'aux pieds, d'un voile.
Un grand rectangle blanc, qui part
de la tête, qui est maintenu par les bras qu'il cache totalement de même que
les mains et alors là… c'est vrai… pour qu'il ne glisse pas, elles le mordent
avec les dents.
Tout de suite on se rend compte
que le Haïk est difficile à porter…une gageure, même pour Claudia Schiffer…du
visage on ne voit que les sourcils, le nez, la lèvre supérieure retroussée pour
ne pas mouiller le voile et les dents de la mâchoire supérieure, de face, le
rendu du drapé est abominable!
Les hommes sont en costume plutôt noir
et c'est tout, avec une chéchia pour la tradition…
La ville coloniale c'est de
beaux exemples architecturaux de tendance Art nouveau ou Art-déco et très
faciles à regarder car les avenues sont larges et droites (telles qu'elles
étaient appréciées à l'époque et surtout expérimentées depuis PARIS via
"la commune"), certaines avec une promenade centrale.
La médina, une
merveille totale, inscrite par l'UNESCO au patrimoine culturel de l'humanité un
voyage dans le temps surtout (et nous serons très peu importunés, si ce
n'est baratinés dans les souks.)
C'est un espace clos par des
remparts dans lequel on entre par des portes.
Au centre la Grande Mosquée de la Zitouna (on n'entre pas
pour cause de prière du vendredi) à partir de laquelle rayonnent des rues
tortueuses…et à partir de laquelle aussi sont disposés d'une manière
concentrique, les souks. Les plus respectables au plus près comme : libraires,
orfèvres (pas cher l'or! mais il ne fait au mieux que 14 carats alors…kif,
kif…) et les moins respectables (ou ceux qui causent le plus de nuisances) plus
loin comme : teinturiers, étameurs.
C'est une véritable leçon
d'histoire, on a devant les yeux exactement une page du Mallet et Isaac qui
décrit une ville du Moyen-Age.
Les rues sont très étroites,
sinueuses et pavées, souvent voûtées pour lutter contre la chaleur à ce moment
là un petit trou rond au centre de la voûte procure un peu de lumière et
d'aération. Le pavage est fait de grands blocs de pierre noire martelée, il y a
un caniveau central taillé dans la pierre lui aussi, la chaussée proprement
dite ne permet le passage que d'une voiture à bras et celle que nous avons vu
progresser au milieu de la foule était chargée d'œufs…(1000 par là)…et à la grâce
d'Allah… la livraison!
Et puis il y a de part et d'autre
des trottoirs aussi en pierre. Cela fait trois niveaux pour 2,50m de large, et
comme il y a un monde fou on est toujours en train de zigzaguer, monter,
descendre, et à la grâce d'Allah… les entorses!
L'espace est saupoudré aussi de magnifiques
demeures (elles sont délaissées) et reconnaissables seulement à leur porte
ouvragée, car nous n'en voyons que les murs d'enclosure, de mausolées,
de mosquées et de medersas (écoles coraniques). Ces édifices sont
eux-aussi totalement isolés de la rue par de grands murs, c'est monotone et
austère comme genre de promenade, d'autant que comme c'est : entrée interdite
aux roumis = non musulmans, c'est genre : " vous qui passez sans me voir,
ne regardez pas..." frustrant!
Et pour les photos ici ? C'est
surtout interdit aussi d'autant que nombre de ces maisons nobles ont maintenant
des destinations administratives, comment savoir?
On demande à un policier, on en
rencontre partout, et il nous indique les directions permises pour le
shooting…c'est par-là, basta! ...
Remarque:
Le promeneur occidental
s'extasie devant cet assemblage exceptionnel de bâtisses d'un autre âge. Il
admire les boutiques et les habitats des artisans, très étroits, tout en profondeur,
réduits à une ou deux pièces en enfilade au rez-de-chaussée, ce doit être
équivalent à l'étage, sombres, mal éclairés, mal aérés, où la vie n'est
possible que dans la plus totale promiscuité, Ha, la médina quelle merveille!
C'est tellement typique!…Certes,
seulement il laisse cela aux autres, ce n'est pas dans la médina qu'il réserve
à l'hôtel…La preuve que le genre taudis ce n'est pas si bien que cela à
l'usage!
C'est une superbe leçon d'histoire
vivante et vraiment vivante, chaque artisan fabrique, étale et vend sur la
chaussée, et l'endroit est très fréquenté.
La banlieue historique : CARTHAGE.
On arrive en voiture en traversant
une grande lagune sur une route à peine surélevée, qui rappelle l'arrivée à
Venise en train, c'est magique comme impression.
"Delenda est Carthago!"
disait l'autre Caton qui ne digérait pas le coup des éléphants d'Hannibal et la
preuve qu'avec de la persévérance on arrive à tout, c'est bien réussi!
Elle servira de carrière pour la
construction des monuments musulmans de Tunis.
Nous pique-niquerons sur la plage,
elle est superbe de sable blanc, pas du tout fréquentée pour le plaisir du bain
de soleil comme on peut s'y attendre.
La preuve? elle est parsemée de touffes
de cakilier maritime (en total français de France: "cakilier" et
c'est rigolo... cakilier est une transcription du mot arabe "kakeleh"
sous lequel la plante était désignée au Moyen Age par les médecins arabes qui
en connaissaient ses vertus médicinales).
(Le cakilier maritime est aussi
très répandu sur toutes les côtes de France, dans les sables ou dans les
graviers à la limite des marées de vive eau, c'est pour cette raison que je
l'ai reconnu.)
Une fleur de cakilier pour Saint Louis
mort à peine débarqué.
Nous visiterons les thermes
d'Antonin, cela donne une idée de la taille des thermes impériaux…mais la
visite n'est pas cool, les thermes jouxtent le palais présidentiel…des
super-patrouilles sillonnent le site et sont super-armées… et il y a les mêmes,
immobiles, dans des super-guérites tout le long du mur mitoyen.
Alors là, pour les photos : il ne
faut pas faire le malin...
On peut dire aussi que le porphyre
des colonnes est moins beau à l'ombre des kalachnikovs, mais d'autre part, on
voit de près, de très près et sans précautions particulières, des pavements de
mosaïques dans toute leur intégrité, à cause de l'ombre des kalachnikovs…
La banlieue – villégiature
Chiquissime : SIDI-BOU-SAID
La ville est construite sur un
coteau qui domine la mer. Des maisons orgueilleuses et blanches, d'une
architecture d'une élégance rare, d'un style arabo-andalous, chacune dans un
cadre exceptionnel de jardins croulants de fleurs même en novembre, clos de
hauts murs blancs, protégées, les maisons des riches, densité policière
maximale, pas de bruit pour les riches non plus, les rues ou les venelles sont
interdites à la circulation automobile, on découvre à pieds et ce n'est pas une
punition…
De nombreux écrivains et peintres
sont tombés sous le charme : Flaubert pistant Salambô, Lamartine, Bernanos,
Gide, Colette, Beauvoir, Montherlant, Foucault, Klee, la liste non exhaustive
des visiteurs montre qu'il s'agissait, déjà, d'un "haut lieu "de
tourisme… avec des architectures dignes de recevoir ces invités de Nom et de
renom...
Et c'est un peintre français le
baron Rodolphe d'Erlanger complètement conquis qui obtient en 1915 la
protection totale du site et choisit d'imposer une couleur unique pour les
boiseries… BLEU…
Et ce bleu lumineux est devenu la
couleur fétiche de la Tunisie, pour toutes les boiseries de la Tunisie. Murs
passés tous les ans au lait de chaux, boiseries bleues et clous noirs sur les
portes, ces symboles de la Tunisie, que l'on peut voir du nord au sud, ont été inventés
par un roumi… tralala tsoin tsoin…!
C'est l'aube encore pour une
incursion à LA PORTE DU DESERT…qui n'est
pas la porte à côté… au fur et à mesure où nous avançons vers le Sud, les oliviers
laissent la place aux buissons épineux et hirsutes, des variétés de salicorne,
plante grasse halophile, et même celles-là sont espacées de manière à ce que
chacune d'elles ait suffisamment d'eau. On rencontre de petits troupeaux de
moutons et là les bergers sont plutôt habillés d'un burnous… marron foncé… ma
parole c'est de la même couleur que la laine qui est sur le dos de leur mouton…
qui eux sont de la couleur de la terre qu'ils broutent, en totale symbiose…
Progressivement le désert
s'installe, les villages sont de plus en plus petits, de plus en plus espacés,
les carrioles et les ânes sont de plus en plus nombreux qui remplacent les
mobylettes,
remarque:
on peut faire voyager
beaucoup de monde sur la même mobylette.
Le mode amical c'est deux
personnes de genre masculin, à ce moment là, ils ne vont pas très vite dans les
côtes.
Le mode familial: c'est
quatre personnes, madame monte en amazone derrière et porte un enfant sur les
genoux, le deuxième enfant est installé entre les bras de monsieur et sur le
réservoir d'essence ou plus rare, à l'envers sur le guidon. A ce moment là, ils
ne vont pas très loin dans la campagne.
Les voitures sont rares ce sont
des pick-up agrémentés de ridelles ouvragées de ferronneries, menuisées et
sculptées et là maintenant c'est de moins en moins le monde contemporain et de
plus en plus la nuit des temps.
Le style des vêtements change
lui aussi, de connotation de plus en plus berbère et bien plus colorés, mais on
ne se méprend pas il s'agit toujours du costume traditionnel comme le partage
des tâches…
Et le dernier indice disant
que nous sommes sur la bonne route du désert…un puits…maçonné, avec margelle et
abreuvoir en ciment, comme ça, au milieu de nulle part, des touffes d'armoises
et de jujubiers.
Même vu de la route
goudronnée, ce nulle part et partout pareil, est fascinant, on est en plein mirage…
au loin, des montagnes ou des dromadaires géants? Par endroit, d'immenses patinoires? (surfaces très brillantes en
plaque de sel, des chotts), on ne sait plus… Sahel… désert… ça, est le désert?
…en attendant la ligne…bleue… verte de l'oasis…
Eh hop! La voilà!
On ne m'avait jamais appris
ça comme ça…une source d'eau chaude, très chaude, pas très pure, captée dans les profondeurs, refroidie et
débarrassée des sels de soufre etc … à travers les "birawas".
Et ensuite distribuée en petites
rigoles d'irrigation, là je retrouve mes marques : trois étages de végétation,
les palmiers dattiers qui protègent les grenadiers, à l'ombre desquels le
fourrage et les légumes sont cultivés…
Nous avons dégusté notre
sandwich petit pain-vache qui rit, à l'ombre d'un eucalyptus dans le
glougloutement de l'eau des canaux d'irrigation…
Ha! c'est un plaisir
incomparable et 660km aller et retour pour ce plaisir-là…
Retour donc et pas par la
même route, grâce à quoi, nous verrons la récolte des olives qui était en
cours, l'huile nouvelle vendue au bord de la route dans des jerrycans
déglingués en plastique, et improbable la couleur de l'huile par transparence…
le séchage des piments qui serviront
à faire les tonnes de harissa distribuée dans le monde entier. C'est incroyable
de splendeur, des rideaux rouges de piments enfilés recouvrent les murs des
maisons ou fabriquent des tapis rouges dans les cours, et là, le rouge est
remarquable car totalement absent ailleurs en Tunisie…
En résumé, lorsqu'on visite
la Tunisie, il faut se lever de bonne heure et apporter ses crayons de
couleurs… et sûr qu'on n'utilise pas les 12 teintes. On prend du blanc, du bleu et du noir, pour dessiner les villes et les
villages, en rase campagne ou cultivée, les ocres
et les verts, mais pas trop vifs et du violet pour traiter les lointains, un rouge pour seulement les piments séchant en novembre
et moi j'ajouterais un rose pour…mes chaussettes,
mais le rose évidemment est totalement personnel.
Françoise Lebraud-Le Glas
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