SABLE, SURF ET COMPAGNIE
06.02.2004
Et évolution.
Les Sables d’Olonne : littéralement, d’Olonne ou d’Eole ? Les deux mon capitaine ! et Littoraux, puis dunaires !
Les dépôts ont débuté il y a
quelques milliers d’années.
L’origine du matériel sableux, de la dune et de la plage, est en partie locale, en partie lointaine. Donc même quand on a le grain dans l’œil on ne sait pas si il est d’origine éolienne ou détritique on peut savoir mais il ne faut pas observer comme ça. Ça fait mal et c’est pas scientifique.
Certains grains de sable proviennent des falaises vendéennes, pour les autres, du massif central. Ceux-ci sont arrivés à l’Atlantique, par la Loire, et une dérive N-S, les a répandus le long du rivage, jusqu’à la Gironde et ceci à partir du MIOCENE SUPERIEUR, d’autre part, vers les –3000 BP (BP = Before Present, et Présent = 1950) de forts vents du NW et W ont entraîné du sable pour former les dunes côtières, de la Forêt d’Olonne, jusqu’au sud de la Tranche.
La ville des Sables est construite sur le cordon dunaire, cela n’a échappé à aucun cycliste qui montait la rue Travot, le travail d’arasement en vue d’urbanisme n’a été accompli que dans la partie « Hors les Murs » c’est-à-dire au-delà de la rue Guynemer vers l’Est et bien plus tard.
Revenons à l’ère quaternaire et inquiétons nous du Substratum. Le Substratum des dunes n’est pas connu mais il est vraisemblable qu’elles reposent sur le socle cristallophyllien, peut-être par l’intermédiaire de coulées de solifluxion, il faut voir…. Et on verra ça plus tard.
Et pourquoi la Baie alors ?
Ouverte en croissant, vers le Sud,
encadrée par les MIGMATITES de le Chaume ( 10m d’altitude ), et les
MICASCHISTES de Tanchette ( mais là il s’agit de falaise très basse ), on la
doit à la combinaison de 2 phénomènes tectoniques( faille et bloc basculé
) et qui plus est, elle a été façonnée
par l’érosion fluviale.
Explication :
Il y a de cela longtemps, en particulier à l’époque hercynienne, lors de l’ouverture du golfe de Gascogne ( rappel : avant le Jurassique, la Bretagne était soudée à l’Espagne), au début et à la fin de l’ère secondaire, à cause de la subduction intra-océanique, la région a subi des tensions conséquentes, et dans les terrains cambro-ordiviciens des Sables d’Olonne, un décrochement dextre d’environ 2 km s’observe.
La preuve ?
Les roches de l’estran au Phare Rouge sont analogues à celles de Sauveterre aux « roches noires » Je précise, mais est-ce la peine, que l’Hôtel en face du Phare Rouge s’appelle les « Roches Noires » CQFD.
Une autre preuve ?
L’activité sismique contemporaine, l’histoire géologique continue .
La zone faillée correspond à la baie des Sables, tout le monde peut le voir..
Et la dissymétrie des bordures ? ( + - 10 m à la Chaume, presque rien à Tanchette) ça c’est l’histoire du bloc basculé de MIGMATITES qui plonge légèrement du S vers le N et les « falaises » de la Chaume se trouvent sur la partie relevée du bloc basculé, par contre du côté oriental la plate-forme qui constitue l’arrière pays descend doucement d’E en W depuis Château d’Olonne jusqu’aux Sables, et le socle s’enfonce dans le marais d’Olonne selon un angle extrêmement faible.
Tout simplement.
Et l’érosion fluviale alors ?
Ça, c’était au cours de la période de bas niveau marin.
La dépression actuellement occupée par les marais d’Olonne était suivie par le ruisseau des Sables ( l’accès à la mer est maintenant barré par la flèche dunaire et la vallée ensevelie sous la dune, doit passer par le chevet de l’église Notre Dame de Bon Port)
La preuve ?
Le profil du socle rocheux, le long des quais du commerce et de la poissonnerie, établi grâce aux sondages effectués par les Ponts et Chaussées des Sables d’Olonne.
En clair, la baie des Sables d’Olonne en période de Bas-niveau a servi de gouttière aux écoulement fuviaux.
On a dit Bas-niveau ? L’écoulement fluvial est un Paléo-fleuve, et les dinosaures ?
Des dinosaures aussi.
Les empreintes de Grallator Olonensis font 50 mm elles ont été découvertes au Veillon mais il a du patouiller ailleurs…(musée des Sables d’Olonne et études en cours conjointement avec le Muséum.
Donc pour le surf avant, c’était pas pareil.
L’Atlantique il y a plus de 12000 ans était à –100 m d’altitude, soit à 75 km de nos côtes actuelles, sans oublier les 6 glaciations qui ont transformé les terrains, témoin les boues de solifluxion, très visibles en coupe de falaise.
La remontée de l’océan – transgression flandrienne par exemple -- a donné un visage nouveau à la côte en même temps qu’elle comblait les dépressions les tapissant de dépots fluvio-marins, et puis à partir de –3000 BP les forts vents marins du NW et W ont entraîné du sable et ça on en a déjà parlé pour les dunes, mais le sable, pas seulement dans les dunes….
Et pour le surf maintenant ?
Localement quelques filons de MICROGRANITE font saillie en formant des chicots – parfois tabulaires et ça c’est bon pour le surf et là il faut s’y intéresser :
- Quel accident post liasique permet la vague du « Coin à Fred ? »
- Qui peut me le dire ?
Et les filons de PEGMATITE qui sillonnent les MICASCHISTES et les GNEISS, ça fait les rochers de l’Ane, de Chaillé, des Chevaux, entre Sauveterre et l’Aubraie et pour le surf ça le fait par là-bas à cause de l’érosion différentielle dans le modelé de la plate-forme littorale, sur terre comme en mer.
Et le fameux Puits
d’enfer ?
Très bonne question ! Ce n’est qu’une petite déchirure dans les GNEISS, longue de 30 m environ, où la mer a creusé un couloir de quelques mètres de largeur. Elle fait partie d’un réseau de fentes hercyniennes orientées 20 à 30° E, qui cisaillent tout le littoral entre Les Sables et le Caillola. Deux faciès pour ce littoral : ANATEXITES DIACLASEES formant des marches d’escalier au Puits d’enfer et ANATEXITES A REPLIS aux formes molles qui s’abaissent en plans doucement inclinés ailleurs.
Et l’érosion, c’est pas une simple affaire.
Les Sables d’Olonne, qui ne sont pas encore Le Sable d’Olonne, se trouve dans une zone subissant une érosion comprise entre 0,1 et 0,9 m/an (ces tendances qui varient sensiblement d’une année à l’autre, ont été calculées par les géologues sur plusieurs dizaines d’années )
Comme toutes les plages de la façade Atlantique, le stock de sédiments qui les alimentaient s’étant épuisé, les seuls apports en matériaux leur viennent de l’érosion actuelle du continent, de la houle, du vent et des courants sur la côte et sur les fonds.
Une plage est stable lorsque les gains compensent les pertes occasionnées par les agents naturels de l’érosion. Qu’un de ces facteurs hydrodynamiques vienne à être légèrement modifié et tout son budget sédimentaire s’en trouve déséquilibré.
Urbanisation, plaisance et autres fléaux …en fait, le mal vient de ce que, dès
les années 60 (+10 BP , Before Present, Présent = 1950), la Vendée a vu dans le tourisme une alternative à sa
pauvreté, entre le marais, le bocage et l’indifférence nationale, et quand la
loi sur le littoral du 3 janvier 1986 est intervenue il était trop tard
léopard….
Et d’autant plus que : « pendant la protection, le bétonnage continue. »
EN RéSUME : LA PLUS BELLE PLAGE D’EUROPE EST UNE
FAILLE TECTONIQUE DE DEUX KM DE LARGE FACONNEE ET ALTERéE, FLUVIALEMENT ,
MARITIMEMENT ET HUMAINEMENT , DANS UN SOCLE LITHOLOGIQUE HETEROGENE.
Et je n’ose pas le dire à tout le monde.
Mais tout le monde aime ça, et depuis toujours :
A l’époque des mégalithes (la mer était déjà toute proche de son niveau actuel ), c’était vers la moitié du 5 ième millénaire avant J-C, présence gallo-romaine attestée : vestiges enfouis sous la dune dans la forêt d’Olonne et Menhir de la Conche Verte ( fouillé et redressé par le docteur Baudouin en 1901 – il s’agit d’un bloc de MICASCHISTE de 3,15 m de haut -- )
Les autres vestiges de la même provenance ont servi à construire les jetées, sous le ciment les menhirs…
Et la poterie neo-lithique découverte par F YDIER à l’endroit nommé « le bar des roches » qui l’a cassée ?
Grande parenthèse, pour l’instant, jusqu’au X ième siècle, même si il est toujours
difficile de dater les atterrissements sableux de la plage des Sables d’Olonne,
au X ième siècle, les huttes du village des SAUVES étaient installées sur
l’emplacement de la ville ( des sarcophages mérovingiens, découverts par
F. YDIER (toujours lui ) y sont
enterrés et des monnaies de tout le Moyen-Age y ont été trouvées, tout ça bien avant la création de la ville
par Savary de Mauléon soit-disant en 1200 et des brouettes.
Et à partir de 1936 après J-C (datation des tentes de camping au carbone 14) la ville a connu un engouement spectaculaire.
Un peu plus d’un siècle auparavant pourtant, les bains de mer y étaient très appréciés.
La preuve en 1816, le conseil municipal avait dû légiférer afin de délimiter géographiquement l’espace de plage où il était permis d’offrir aux flots originels un corps nu.
Le 16/07/1816, la municipalité décide de reléguer sur une portion délimitée de la plage, les bains sans maillot afin de remédier à l’indécence des baignades collectives où se mêlent hommes nus et vêtus.
La portion délimitée de la plage se situe entre les rues actuelles : des Barrières et Achille Duclaux.
Pour les hommes on a compris.
Et pour les femmes, le bain, depuis NAUSICAA, bernique ?
Les femmes se rinçaient l’œil, ici et ailleurs, ailleurs c’est connu : une journée de canicule à PARIS sur les quais, à hauteur de la porte Saint-Bernard ça donnait à peu près ceci du côté des précieuses soi-disant offusquées :
«
Quel spectacle indécent se présente à mes yeux ?
Des
hommes vraiment nuds au bord de la rivière
Me
font évanouir ( ah ! de grâce ma chère,
Evitons cet
objet affreux.)
Allons,
vite, cocher, retournons à la ville,
Je
suis pâle, je suis débile,
Toutes
les horreurs que je voy,
Me
feront renfermer pour plus d’un an chez moy.
Il
faudrait par une ordonnance
Réformer
cet abus,
Et
que le roy là-dessus
Fît
une bonne défense
Aux gens de se baigner que chaussez et vêtus.
Et pour les hommes qui regardaient les femmes qui regardaient les hommes, ça donnait exactement cela :
« Quand
cette saison n’est pas venue, les femmes de la ville ne s’y promènent pas
encore ; et quand elle est passée, elles ne s’y promènent plus . » La
Bruyère
Seulement pour faire trempette dans la lame atlantique, les dames attendront que le « concept » : bain de mer soit inventé, 1830, par-là.
L’usage est venu d’Angleterre, de Hollande et de la Baltique et ce sont les aristocrates qui ont impulsé la thalassothérapie, ils allaient toujours prendre les eaux, mais salées et glacées de préférence seulement pour que la cure ait un peu d’attrait, ces dames chaudement vêtues, portées dans les bras des garçons de bains vigoureux qui sentaient bon le sable chaud…étaient jetées dans la vague,
puis arrachées à la noyade, par les mêmes bras
et ceci autant de fois que le docteur l’avait prescrit….
il était rare que la prescription dépassât 9 immersions successives, ou ça dépendait du garçon de bain..
La mode des garçons de bain n’a pas duré,
Le bain de mer s’est émancipé de ses contraintes médicales.
Le costume de bain a évolué…
En fait, jusqu’à une époque très récente on s’est beaucoup plus préoccupé de la protection de notre anatomie plutôt que de la protection de l’environnement…moralité si on peut dire, avant que le maillot de bain n’atteigne les limites de l’allègement que l’on sait, hors de question que le maillot de bain accuse des détails intimes, pas facile avec une petite laine mouillée, alors les autorités ont pris des arrêtés…
- sur le court et le long
- l’ouvert et le fermé
- le transparent et l’opaque,
- le clair et le sombre,
- le collant et le flottant
- même le symbolique fut de la partie, les rayures ! les rayures sur les maillots dissimulent le corps derrière une « palissade » analyseront certains…..
- Après les rayures, le pompon :
En 1929 le maire de DEAUVILLE exige « des maillots avec des épaulettes »…
et Paulette a le maillot requis dans sa panoplie.
Tout va très bien pour elle, merci, l’univers balnéaire est un univers mondain et si en architecture balnéaire on mélange les styles, on ne mélange pas les classes…
Voilà ce que disent les sociologues qui nous regardent bronzer :
Il paraît qu’il existe un petit clivage idéologique entre propriétaires, résidents, locataires et estivants, et les manifestations géographiques aux phénomènes de résistance à l’envahisseur liés aux phénomènes d’investissement du site se traduisent de part et d’autre par l’émergence de tactiques subtiles liées à l’utilisation d’accessoires.
--non fréquentation pour un évitement radical,
--fréquentation décalée pour une utilisation alternative du lieu ( c’est le flux et le reflux ).
Les accessoires spécifiques (chaque objet avec son utilité évidente, dissimule une utilisation perverse ). Il en est ainsi pour les principaux que je vais nommer :
--la tente, elle sert à couper du vent, mais aussi à dresser une clôture rétablissant l’entre soi ( les voisins de tente sont co-optés ).
--le parasol, destiné à protéger du soleil, permet le regroupement tribal et son ombre portée est un outil précieux de territorialité.
--la serviette de plage est indispensable à la sortie du bain et surtout , posée sur la plage elle dessine un royaume.
« Il est absurde d’être roi, l’essentiel est d’avoir un royaume, » écrivait A MALRAUX
et le royaume de 2 km de large, amas de roche sédimentaire
constitué de grains dont la grosseur varie de 0,02 à 2 mm , que 120 000
personnes dont moi se partagent en été
est, je dirais même plus, est un univers
sans métissage .
Françoise Lebraud - Le Glas