05.04.2004

 

LES SABLES D’OLONNE : l’histoire des ports et des bains de mer

 

ou …..Thunes, fortunes et infortunes de mer aux Sables d’Olonne.

 

 Les activités de la mer : mise en perspective critique.

 

 LES SABLES D’OLONNE - son port de commerce :

 

Grandeur : 33 ans.

 

La chance a souri  entre 1604 - 1637 .

Il s’agissait du commerce international, et on ne rit pas, parce que c’est à moitié triste.

 

Les historiens analysent les faits en étudiant : les cahiers de l’amirauté, les comptes portuaires, le tabellionnage rouennais.

A cette période il y a un grand nombre d’Olonnais impliqués dans le commerce entre ROUEN, LE HAVRE , L’ESPAGNE et le PORTUGAL.

Période troublée, guerre franco-anglaise, pirates et autres corsaires, le train-train quoi ! si on peut dire ça dans la marine. ça tombe bien, géographiquement ils sont idéalement situés, un peu éloignés des côtes anglaises, et le goût poitevin pour la fraude, le risque et l’aventure lointaine, font merveille :

Les olonnais sont extrêmement sollicités, ils remplissent les contrats avec honneur et efficacité, et malgré tous ces arguments, on va leur préférer des navires d’autres pays.

 

Du côté des pirates ils seront très bien placé aussi  ( Jean Nau dit l’OLONNOIS, réputation de cruauté internationale…)( 1630 - 1667).

 

Pirate ? ou Corsaire ? Le but est le même, arraisonner, piller, tuer, s’enrichir.

Quand on est corsaire, la prise est une prise de guerre, le vaincu est un ennemi, le butin sera partagé avec un roi très chrétien, la mort sera honorable, et la mémoire évoquée  dans les livres d’histoire. Jean Bart, Duguay-Trouin…

Quand on est pirate, on arraisonne, on pille, on tue et on s’enrichit sans autorisation, on garde le butin pour soi et son équipage, on est donc sans foi ni loi et on finit au bout d’une corde !

 

 

 

Monopole de trois ans.

 

Seulement ! Où est le petit défaut ?

Ils n’ont pas su en profiter.

Ils n’y croyaient pas ou ça leur suffisait comme ça..

La conjoncture leur était favorable et ils n’ont rien fait pour que ça dure.

 

1-  On ne trouve pas dans leur rang de marchands d’envergure, jamais à la hauteur de la situation quand il s‘agit de financement les bas-poitevins (nommés ainsi sans  péjoration, c’est la région qui veut la dénomination ).

2-   Ils n’ont pas su se doter d’une ville importante pour échapper à l’emprise des fortunes nantaises et rochelaises

3-      Ils n’ont pas su se doter au bon moment de moyens de communication.

 

LES SABLES D’OLONNE est aux confins d’une région inaccessible par la terre, (pas de route navigable, pas de route carrossable) il faudra attendre :

1765 pour une route, LES SABLES - La MOTHE ACHARD vers NANTES

1779 pour une route, LES SABLES - VAIRE par le bourg d’OLONNE

1779 aussi pour une route, LES SABLES - SAUMUR par le CHÂTEAU d’OLONNE et GROSBREUIL, ce sera le chemin des poissonniers, chemin… chemin… donne déjà une idée de la route…

 

On attend et pendant ce temps le port s’obstrue.

Et quand il y a obstruction, pour la navigation, c’est un bouchon !

 

 

 

INCOMPREHENSIBLEPOUR DES MARINS !.Ils n’ont pas su aménager un port commode au chargement des gros tonnages, ceux-ci calant beaucoup plus que le tolérable devaient rader, ou alors plus petits, mais trop gros quand même, ils ne radaient pas, mais ne pouvaient sortir que 4 à 5 j par mois. Sans parler des coques qui dans ces conditions étaient tellement malmenées que leur durée malgré des réparations permanentes était limitée à 8 ou 10 ans …

Quant-à l’acheminement des produits, très, très dur, pour amener les charrois aux alentours du port, des rues très étroites ne tolérant aucun trafic acceptable, non pavées avec des ornières, on l’a déjà dit,  tout ça pour arriver aux quais, quels quais ?

 

Pour l’étroitesse des rues on va au centre ville et quartier du passage, c’est la ville historique et la preuve est là sous nos pieds.

 

Exemple des efforts nécessaires pour accomplir un chargement de sel, denrée pondéreuse et peu chère on n’ oublie pas ce détail, et produite juste là, derrière, pas loin et à transporter, disons au hasard, vers la Baltique…..

Environ 88% du sel  était embarqué durant les mois d’hiver, entre décembre et mars, bonjour la pluie ! pendant tous ces transbordements, le sel va perdre qualité, volume et valeur. Les livraisons devaient impérativement s’effectuer sur les bords de la Baltique pour la grande « foire du hareng » qui s‘ouvrait fin Juillet.

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Notons que pour remplir une grande « nef » ancrée dans la baie il fallait un mois et 100 barques et pour remplir une barque ?

 

Le jour convenu pour le chargement, on battait le tambour dès 5h du matin pour prévenir les travailleurs du sel…C’étaient les « coloyeurs » porteurs à col… sur l’épaule quoi…Il s’agissait de remplir les allèges ou les gabarres ( barques de petits tonnages destinées au transfert pour aller du marais au vaisseau important qui radait par exemple).

 

D’abord les hommes se col-tinaient un sac de 40 à 60 kg à la queue leu leu sur des sentiers à peine assez larges pour les piétons, et  apportaient le sel jusqu’au port.

Ensuite les femmes et les enfants se coltinaient un sac à la mesure de leur force, allaient vider leur sac si on peut le dire comme ça dans la cale des allèges ou gabarres voir plus haut  et ce pendant 8h au moins. Il fallait passer sur une planche qui servait de passerelle entre la rive et le bateau… grosse fatigue et petit salaire en plus.

Nb : quand j’emploie le mot « salaire » je sais exactement ce que je dis, vient du latin salarium solde pour acheter du sel.

« au coloi ! au coloi ! » criaient-ils à 5h du matin ça voulait dire :  «  au combat ! au combat ! travailleurs, travailleuses , ce n’est qu’un début !  »

Les sous à gagner  c’était pour les « lieger » ( voir plus loin là-bas sur la Baltique) .

Il ne faut pas être malin pour voir où était le petit défaut. Et le sel du Portugal est devenu très vite compétitif… moralité : voilà comment on perd un marché !.

Il n’y avait pas que le sel à embarquer genre production locale : le blé, le vin et des tissus « l’olonne » une toile à faire des voiles de grande qualité, ça c’est un fait, mais souvent fabriquée ailleurs qu’en Olonne, voilà une autre vérité…Et elle s’appelle comme ça, car elle était embarquée là…

Et blé, vin ou olonne, c’était tel le sel, pas plus facile à embarquer…

 

Trop confiants dans une prospérité qui leur paraissait évidente les édiles sablais ne se sont pas souciés des solutions nécessaires au commerce du port.

 

Le développement du port des  Sables d’Olonne n’a pas eu lieu, et corrélé, le développement de la ville non plus.

 

 

Pourtant, Il existe une grande homogénéité de la flotte, c’est un plus, les capitaines n’ont pas de difficulté à passer d’un navire à l’autre, mais c’est cabotage et compagnie, et ils repartent souvent à vide…ça c’est pas bon pour le prix de revient….

 

Et surtout les navires sont de petit tonnage, petit tonnage, petit bras, petit rapport…et petit port ou l’inverse.. .ça décourage l’investisseur….

 

Le port, parlons-en.

 

Parlons de sa configuration primitive : deux bassins ouverts qui à La Gâchère, qui à Olonne,

alimentés l’un par l’AUZANCE l’autre par la VERTONNE.

Une bande de terre clôt partiellement cette lagune ouverte du Hâvre de la Gâchère au Hâvre d’Olonne (c’est actuellement la côte sauvage et la forêt d’Olonne ).

Cette lagune ouverte était donc un endroit où les bateaux circulaient, entrant indifféremment par la Gâchère ou par Olonne (ça c’est rigolo, c’était au temps des romains), puis les envasements progressifs du Havre de la Gâchère n’ont plus permis le passage d’un Havre à l’autre ( ça sous Louis XI ), puis les dépôts alluvionnaires s‘accumulant  partout, on fut contraint de se contenter comme port, du chenal de la Chaume…

Mais c’était pas top.

Dans cette grande lagune continuellement plus ou moins envasée les bateaux pouvaient s‘amarrer jusqu’à la place du Gaz, en voilà un bel avantage quand ils ne jaugeaient pas grand chose ! Ils remontaient l’arrière port par le ruisseau des Coûts dont le cours libre passait sous le pont de la Barre (le cours n’étant plus libre, on va près du Crédit de l’Ouest et on l’imagine), le ruisseau serpentait au milieu des marécages devenus Cours Dupont…D’accord pour le petit avantage les bateaux stationnaient, chargeaient et déchargeaient (à la place de l’immeuble EDF/GDF par exemple) mais c’était pas vraiment pratique.

 

Il ne s’est rien passé, les habiles capitaines n’ont fait que les transbordements. N’en parlons plus.

 

 

Les capitaines de navires auraient pu plus tard, s’immiscer dans les arcanes des échanges très lucratifs, sel, hareng, produits exotiques… car c’était un créneau porteur… pour des affaires maritimes….

 

On échangeait : le sel, les fourrures, les bois du Nord, la poix, le goudron, les barriques de harengs et autres poissons salés, contre des agrumes, des vin doux, de la laine d’Espagne et d’autres produits du Sud, comme le liège, les épices, le poivre, le gingembre, le safran et aussi les figues et les raisins secs très appréciés, et ça il fallait pouvoir non seulement le faire avec honneur mais demeurer compétitif dans la transaction.

 

L’occasion ratée

 

 

Le commerce du hareng et la nécessite du sel.

Quand c’étaient les beaux jours du hareng : enjeu politique et économique de première importance.

 

La pêche du hareng était très développée dans l’Europe du Nord depuis les XI, XII et XIIIe siècles, mais comme on ne savait pas le conserver, on ne pouvait pas le faire voyager, il était donc consommé dans les régions très proches des lieux de pêche, jusqu’à ce qu’un Hollandais mette au point en 1350 un procédé de conservation très ingénieux :

sitôt pêché le hareng était CAQUER.

Déjà sur le bateau de pêche il était traité : ouies ôtées, tripes par dessus bord, le poisson était bien rangé par couches successives dans des tonneaux avec des couches de sel alternées. Magnifique invention qui va faire la fortune de Monsieur BEUKELZOON, stimuler la pêche, développer le commerce, créer des vocations d’armateurs, agrandir les ports de pêche ailleurs et nourrir une population jusqu’à plusieurs centaines de km à l’intérieur des terres (petits barils sur le dos d’un âne et en avant le chargement !).

Maintenant en 2001 en Mars-Avril en Hollande le truc c’est « le hareng nouveau est arrivé ! », l’arrivée de celui-ci est annoncée dès l’aéroport de SCHIPOL d’ AMSTERDAM sur de grands panneaux d’affichage….. C’est le «  maatje » qui se déguste cru et salé.

Le hareng pêché plein de laitance, s’appelle « bouvard », quand il est pêché après la ponte, on le nomme « guai », mais il n’est plus aussi bon. Entier, à peine salé et fumé à froid il devient « bouffi », le même mais fumé à chaud est « buckling ». Étêté, fendu en deux, légèrement salé, rapidement fumé, il se nomme « kipper ». Le « hareng saur » entier est vidé, salé, fumé à froid. Le hareng de la Baltique est étêté, sans arêtes et mariné dans du vinaigre et des aromates. Le « rollmops » est mariné, en filet et enroulé autour d’un gros cornichon.

Comme tu veux tu choises !

 

QUAND ON A BIEN COMPRIS L’ENJEU DU HARENG LA-BAS EN MER DU NORD ET SUR LA BALTIQUE SURTOUT, ON COMPREND LA NECESSITE DU SEL.

 

La production du sel de la Baltique ou de la mer du Nord laissant à désirer on comprend comment un approvisionnement aussi nécessaire  va mobiliser autant d’énergie ( voir plus haut ).

 

Le hareng, encore.

Ce fut la grande affaire de l’époque médiévale, il apporta un « mieux-être aux populations mal nourries des classes moyennes et pauvres, c’était le quotidien alimentaire tout comme les sardinades d’anchois, les anguilles grillées, la chair de baleine, la morue séchée, les huîtres décoquillées en saumure et le thon salé.

C’est tellement vrai que pour stigmatiser la pauvreté dans l’opéra LA BOHEME de Puccini (1896), l’action se déroulant en 1830, le quatuor de poète, peintre, philosophe et musicien, chante leur pauvreté tout en faisant des facéties avec un hareng ( Acte IV) .

Quant au hareng « suranné » il était pour les mendiants, les clochards et les gueux à qui on témoignait ainsi sa compassion, «  Qui donne aux pauvres, prête à Dieu. »

Ce sera plus tard le mets des esclaves pendant leur voyage vers les Antilles.

Il y aura toujours des bouches pour savourer le hareng même quand il avait perdu quelques qualités organoleptiques….

 

Digestion et digression :

 

Les riches ne mangent pas ça du tout,  eux se préoccupent de la « LA MARéE  »

C’est le poisson frais qui arrive des ports à vitesse de voiture à cheval au galop et relais de marée et quand la marée n’arrive pas ? Diantre ! A moi, une épée !  VATEL en mourra !

Et dans LA MAREE pas de « poisson à croûte » s’il vous plait, Beurk, pouah ! Quelle horreur !  Il s’agit de crustacés, la langouste notamment déclarée indigeste, dédaignée par les pêcheurs et réservée aux indigents….Une fois de plus : «  o tempora ! o mores ! » 

 

 

Le hareng toujours.

C’est le poisson de mer le plus abondant et le plus pêché, c’est la manne de l’occident chrétien.

Moitié facile à pêcher en plus, il est nycthéméral c’est-à-dire qu’il est sujet à des migrations pendulaires verticales en fonction des jours et des nuits. Le jour les harengs se dispersent sur le fond et la nuit ils se concentrent en bancs serrés en surface alors… une bougie, une épuisette, et voilà la technique …(pêche du hareng à la torche, méthode utilisée en Atlantique Nord jusqu’en 1940 ).

Pêcheurs, collecteurs ( grâce à l’invention de Monsieur Beukelzoon des bateaux faisaient la navette entre les bateaux de pêche et les ports de débarquement, comment dit-on : «  time is money » en hollandais ?), armateurs, négociants, préparateurs, expéditeurs, voituriers, distributeurs, c’est la grande affaire du hareng, des villes comme Amsterdam, Bergen, Copenhague  lui doivent tout.

Naturellement et progressivement il se transforma de manne en objet de culte, parce qu’il a permis aux populations pauvres de cette époque tenaillées par l’obsession alimentaire de survivre mieux .

Des fêtes, des foires aux harengs sont organisées  On lui a même trouvé une  vocation médicale en plus puisqu’il était censé guérir les maux de gorge.. la sciatique…( 3 paters et 2 harengs, sur ordonnance ) Sa valeur symbolique était telle qu’il était porté en effigie lors des  processions à travers les rues ( à Rouen par exemple encore au XIXe ).

 

Et à propos de culte, les 40 jours du CARêME qui ont désigné dans la religion catholique le poisson comme nourriture possible (mais non obligatoire pendant cette période), ont favorisé l’essor  des grandes corporations sus citées.

 

Comme quoi abstinence, rime avec finance !

 

 

 

 

Commerce via le hareng….

 

Il existait une fédération commerciale réunissant 200 villes maritimes et  aussi continentales, LA HANSE, une association de marchands allemands, dont la ville de LÛBECK prit la direction, les principales autres villes étaient  : Hambourg, Brême, Rostock, Cologne,  Dantzig, Riga, Cracovie, Bruges, Londres, Bergen…zone d’influence de plus de 1500 km entre le golfe de Finlande, le Zuydersee et le sud de la Baltique…

Les deux buts commerciaux très rentables étaient :

- fournir à l’Occident les produits orientaux nécessaires et

- ramener le sel indispensable à la conservation des poissons.

La mer Baltique regorgeait de harengs, les pêcheurs faisaient l’opération de salage avec du sel que nous leur vendions et après ils nous revendaient les harengs, très demandés dans les pays catholiques de l’atlantique, car c’était le principal mets du carême et pas seulement on s’en souvient.

 

En 1516, 7 000 tonnes sont entrées en France par la seule ville de ROUEN.

 

Et parmi ces harengs de la BALTIQUE salés, il fallait distinguer à l’époque, les « blancs marqués » des « sorets » qui étaient de plus, fumés, on en mange encore, ce sont les « gendarmes »---

 

Et comment pour les produits orientaux ?

Facile !     LA BALTIQUE !      Grâce aux fleuves elle ouvre les marchés russes de NOVGOROD et de SMOLENSK, or ces deux villes reçoivent du monde musulman tous les produits d’Orient….Alors pas de problème, par La Baltique, le poivre et le gingembre..

 

Et GROSS KATASTROF c’est la guerre de 30 ans, chômage technique pour les navires hanséates encore un créneau à saisir pour les Bas-Poitevins, pour vous le sel, et pourvus nous sommes… eh bien là encore, le malheur des uns n’a pas fait le bonheur des autres. Le goût inné pour la fraude, le risque et l’aventure lointaine, n’a pas déclenché de vocation de marchand, fi ! du commerce , une nouvelle fois capot !

 

Pas d’armateur, pas de flotte. Pas de flotte, pas de fric et vice versa pour la deuxième fois.

 

En avant les moussaillons ! Des capitaines pas de capitaux !

 

Ils auraient tout misé sur la pêche ? C’est ce qui se dit.

 

 

LES SABLES D’OLONNE : SON PORT DE PECHE 

 

 

La pêche à la morue, alors, parce que la pêche à la baleine c’était déjà out, elle a été abandonnée à la fin du XVIe siècle

Pourtant la pêche à la baleine il faut en parler car les basques et les olonnais en étaient des spécialistes,

Les stocks de baleine une fois épuisés au XIIe dans le golfe de Gascogne, il leur a fallu étendre leur rayon d’action et poursuivre ce qu’ils prenaient pour un gros poisson (en 1753, Daubenton classait encore les baleines parmi les poissons et ceci jusqu’en 1758 ! )

Quelle aventure ! ils iront de la sorte jusque dans l’Atlantique Nord-Ouest, où ils furent les premiers à poser leurs bottes, Terres Neuves nous voilà !.

 

Et là en plein milieu de l’Atlantique Nord-Ouest, des baleines de moins en moins et des morues de plus en plus, coucou les morues, et les pêcheurs olonnais leur font le coup du hareng.

Sitôt pêchées, éviscérées, ouies ôtées, enfin tranchées elles sont entreposées en couches alternées avec du sel ( apporté d’Olonne) dans les cales. C’était la morue verte, spécialité olonnaise fort appréciée des environs immédiats d’abord car la conservation sous cette forme était courte ( encore plus verte, hors délais de péremption elle sera pour les esclaves des Antilles . De quoi se plaignent-ils ceux-là, un jour du hareng suranné, le lendemain de la morue vert-foncé, ça s’appelle alternance, non ? ).

Cette morue verte sera appréciée plus tard jusqu’à Paris et les Villes du Nord, qu’elle gagnera par chasses-marées…qui sont comme chacun sait des bateaux pontés, à deux mâts, qui évoluent des lieux de pêche aux ports de pêche … ou plus loin si possibilité ( ou, voir plus haut le chemin des poissonniers par Grosbreuil…)

 

C’est ainsi que la morue va devenir la grande partie de pêche.

 

C’est l’activité principale du port des Sables avec 2 ou 3 expéditions de 3 ou 4 mois chacune,  par an.

C’est par exemple le voyage de «  prime » de février à mai, juin.

Le voyage de «  tard » de juillet-août à décembre.

Et comme on pouvait s’y attendre, le voyage de «  prime-tard », d’avril à octobre.

ça c’est la formule tardive, si on peut dire, celle qui rapporte le moins, et qui prend le plus de temps .

 

Pour un marin courageux, voilà ce qu’il fallait faire : la Pêche de Prime, on revient dans les premiers, on vend à LA ROCHELLE, on n’a pas trop le choix…( dès le XVIe les Rochelais obligeaient les bricks sablais à vendre dans leur port, alors haut lieu du commerce morutier ) , les premières morues se vendent très chers. Arrivé à Olonne on embrasse sa femme et ses  enfants et vite on va à Messine pêcher la sardine, mais non voyons pas la peine, c’est tout près,  c’est cool, pêche à la journée, on se repose en quelque sorte, et voilà c’est terminé, c’est l’heure du voyage de Tard.

 

Et alors ? montée en puissance de cette activité, vaisseaux innombrables ? armateurs sablais se bousculant aux écluses ?

Négociants sablais  richissimes et se marchant sur les pieds à la messe ?

 

Pour la messe justement, les riches marchands n’étaient pas contents, ils n’avaient en 1622 qu’une chapelle, ils voulaient un curé et ériger leur chapelle en église paroissiale, ( envieux les riches marchands pieux ? Qu’importe l’édifice, pourvu qu’on ait la messe !) Voilà ce qu’ils écrivent le 9 novembre 1622 pour convaincre du bien-fondé  de leur demande et de la nécessité de l’église paroissiale :

« la réputation d’avoir un des ports les plus commodes de France avec un commerce fort étendu principalement de blés, vins et sels, attire les étrangers des provinces voisines ou plus lointaines. Le nombre d’habitants croît de jour en jour si bien qu’on peut compter 2000 maisons et 10 000 habitants qui ont communié ou satisfait au devoir de la Pâque. »

 

Et menteurs en plus !

Négociants et armateurs constituaient « l’aristocratie bourgeoise » étiquetée «  noblesse de queue » , noblesse de queue de poisson sans aucun doute.

Le plus riche noble de queue de morue des Sables, fut André Servanteau qui arma 29 morutiers en 1690. Les cargaisons étaient la plupart du temps vendues à Nantes ou à La Rochelle surtout où les armateurs avaient leurs négociants attitrés (pour cause de Loire et de Charente  et dispaching fluvial favorisé).

 

Et là aussi « morue verte » ? la couleur est belle mais le plan pas terrible,

Pas de quoi être trop fier de la spécialité :

 

Ce qui plait ce n’est pas la couleur, mais la conservation.

Encore raté !

 

1650 -1750 essor et apogée du commerce international de la morue salée et séchée.

Et sur les rangs il n’y a pas LES SABLES D’OLONNE pour cause de morue verte, très bien placés les pêcheurs pourtant, en1668, 101 vaisseaux alors que ROUEN n’en comptait que 94, NANTES 89, LA ROCHELLE 32 .

 

Pour n’avoir pas compris l’enjeu, les édiles patati-patata….

Enfonçons l’arête, faisons leur rendre gorge :

 

L’immense avantage de la morue séchée et salée c’est son délai de conservation allongé de plusieurs mois par rapport à la morue verte, on pouvait donc en imaginer le potentiel économique, c’était pas interdit.

Le marché de la morue séchée put s’étendre jusqu’aux fins fonds des campagnes européennes, conquérir les pays méditerranéens, et à partir des ports de l’Ancien Monde pénétrer les Ports du Nouveau Monde et les régions tropicales des Amériques (Antilles, Guyane, Brésil).

 

Adieu veaux, vaches, cochons, couvées !

 

Le voilà le marché raté !

Mais pas pour tout le monde, notamment les Canadiens qui sont plus près des zones de pêche et des nouveaux marchés à saisir pour un produit qui se conserve bien mieux ( la morue était séchée à terre près des zones de pêche, Terre Neuve, Labrador.. Les bateaux pêcheurs faisant des va et vient entre les zones de pêche et les endroits de séchage, même tactique que pour le hareng : morue is money also).

 

Or voilà le détail qui tue, les morutiers de pêche à la morue sèche étaient de plus fort tonnage que les morutiers qui pêchaient « en vert »  de 250 contre 130 tonneaux, de 48 contre 20 hommes, car il fallait tout un petit matériel supplémentaire genre chaloupes ( démontées pendant la traversée quand même ) et de quoi construire un atelier en bois sur pilotis pour traiter la morue à terre ( les galets pour sécher la morue au soleil et au vent étaient fournis par les rivages de Terre Neuve dieu merci !). Et il fallait des hommes pour traiter la morue.

 

Les hommes étaient là, nombreux, courageux, intrépides, et alors ?

Et alors, ce qui pêche dans cette histoire, c’est le port.

 

Quand on connaît la particularité du port des Sables qui porte parfaitement son nom, on peut en déduire que ce n’était pas un si bon havre que ça.

Résultat les bateaux qui ne peuvent entrer ou sortir que dans les grandes marées des nouvelles et pleines lunes sont la plupart du temps à sec ; ils sont nécessairement sujets à de fréquents radoubs et ne durent qu’une dizaine d’années… Pas bon pour les investisseurs ça…

Alors, contre vents et marées, marées surtout, armons, envers et contre tout, en vert surtout.

 

 

Les beaux jours de la pêche à la morue étaient comptés dans un port ensablé dont les marins se contentaient… Heureusement, voilà la pêche à la sardine.

Menu bateau, menu fretin ! Pas si facile, ce fretin qui frétille dans les filets doit sa capture aux Arabes !, les pêcheurs olonnais ont appris la technique de pêche des Maures.

En 1610 la ville accueillit des Maures chassés d’Espagne pour cause d’inquisition. Ils savaient utiliser le filet droit flottant, celui qui permet la pêche des sardines.

Et voilà, c’est parti pour la pêche à la sardine qui a constitué une importante activité du port.

 

Après avoir été admirables à la pêche à la baleine, héroïques à la pêche à la morue, les Olonnais sont devenus les rois de la pêche à la sardine.

 

La petite sablaise tellement appréciée fraîche  (elle est pêchée  délicieuse aux Sables et à Saint-Gilles car elle a à cet endroit la taille idéale, la pauvre petite se rendait du Portugal en Bretagne sud comme tous les ans en migration lorsqu’elle a été stoppée dans son voyage par un filet droit flottant…) ne se conserve pas mieux que n’importe quelle sardine, résultat, il faudra attendre la sardine à l’huile, et ça bien plus tard, pour faire des affaires. La confiserie ainsi nommée avant  d’être appelée conserverie fut mise au point par le Nantais Joseph Colin (1824 - première usine de sardines à l’huile stérilisées dans des boîtes métalliques soudées), grâce aux travaux d’APPERT.

Et voilà la pêche aux thons ils subiront le même traitement, à l’huile ou au naturel.

 

LES SABLES D’OLONNE : SON PORT DE PLAISANCE.

 

Le commerce n’a pas initialisé l’essor de la ville ni celui du port.

Les habiles navigateurs valeureux se sont cantonnés au rôle de prestataires de service pour les armateurs de Rouen et Nantes. Les courageux pêcheurs se sont cantonnés au rôle de pourvoyeurs de poissons pour les négociants de Nantes et La Rochelle.

 

Ce que le profit n’a pas permis, le plaisir le pourra-t-il ?

 

Le plaisant dans la navigation a été découvert assez tard.

Voilà plutôt l’adage en vigueur :

« Qui va en mer pour son plaisir, ira en enfer pour passer le temps. » 

 

A dire vrai, il ne venait à l’idée de personne d’aller en mer pour son plaisir.

 

 La mer n’avait pas une bonne image.

 

évoquer la mer, c’était imaginer la peur, les souffrances, la mort, le pire et ces horribles désolations vérifiées par tous les fléaux venus de la mer justement : normands, sarrasins, pillards barbaresques, anglais, hollandais, plus la peste noire, la lèpre (dans les valises des croisés) sans oublier les contrebandiers, les naufrageurs et autres bandits de rivage qui ne rendaient pas la petite promenade sans risques.

 

Il faut dire que le bateau n’avait pas une bonne image non plus.

 

Considéré à juste titre  comme le lieu de tous les dangers, éléments déchaînés, affrontements guerriers, incertitudes de la navigation (petit exemple, pour aller à Terre Neuve, le morutier quittait le port des Sables d’’Olonne  naviguait un mois à l’estime le long du 45° parallèle, tout en sondant, observant la couleur de l’eau, ses diverses températures et la nature des fonds, et le voilà renseigné sur sa position. A l’époque si le calcul de la latitude était connu depuis longtemps, il n’en était pas de même pour celui de la longitude, impossible sans les chronomètres, le bureau des Longitudes fin XVIIIe.)

Tous ces détails rendaient la ballade problématique.

Sans parler de l’odeur effroyable qui émanait du vaisseau : entre le bois humide, la puanteur de la cale, les exhalaisons de la sentine, la putréfaction des nourritures corrompues, les déjections des animaux, l’haleine des matelots atteints du scorbut, les vomissements des équipages… Du côté des vomissements c’était resté dans les mémoires depuis les croisades et les premières croisières de masse pour les croisés ( croisade, croisière, croisé, que disent les lexicographes ?)

Et il ne venait à l’idée de personne d’aller vomir en mer pour son plaisir.

 

Les marins n’avaient pas une bonne image non plus,

 

Ils mourraient jeunes, qui plus est, blessés, estropiés, scorbutiques et portant les stigmates de ce métier de chien (borgne avec un crochet et un pilon ?) et il ne venait à l’idée de personne de se prendre pour un marin pour son plaisir.

 

Ce sont évidemment les anglais qui vont trouver les premiers, un intérêt à la pratique.

Ce sera une surprise pour Daniel LESCALIER qui, faisant un voyage en Angleterre en 1775, dit :

« Les capitaines de vaisseau et les officiers généraux qui sont à leur aise, les seigneurs et les particuliers aisés, même de ceux qui ne tiennent point à la marine, s’amusent à faire construire et gréer des yachts ou bateaux de plaisir de 80 à 100 tonneaux, plus ou moins, qui leur servent dans les belles saisons à faire de petits voyages le long de leurs côtes, en France, en Hollande, quelquefois jusqu’à Lisbonne ou jusqu’à Cadix. Ces particuliers ont formé une société qu’ils nomment LE CLUB NAVIGANT et se sont donnés un uniforme vert, parements blancs, galonné d’or. »

 

Tant il est vrai que ce sport s’adressant à la upper-class, il était nécessaire qu’il soit plaisant et qu’on trouve un tas de petites commodités surtout au port.

Pour les Sables d’Olonne il faudra attendre d’abord le port – 1980 – oui, oui 1775 pour les uns et beaucoup plus tard pour les autres.

Avant 1980 c’était co-habitation avec les bateaux de pêche et les plaisanciers assez dédaignés et très critiqués, étaient surtout traités de plaisantinssur leurs « yaks ».Ha, ha, ha, elle était moquée la marine  à voile décadente!

Et maintenant Les Sables d’Olonne est inséparable de son port de plaisance : marine à voile, quelle gloire ! Et à quoi doit-on ce retournement de mentalité ? Vendée-Globe ! MERCI ! » Nous sommes tous des hommes d’exception…Nous entrons dans la légende…C’est l’Incroyable Odyssée…

Posséder un anneau dans un port point de départ ou d’arrivée  d’une course renommée, voilà qui n’est pas banal et auréole de gloire « une face de vent d’boute  » soit un néo-marin sur son bateau de plaisir  soit aussi un faux marin sur son bateau ventouse.

ET quand ils parlent de leur port d’attache…Les Sables d’Olonne – Vendée , c’est : «  à Moi  l’aventure  du Globe!  » ma parole ils y croient…Ils y sont !

Et on oublie que, en moyenne, les bateaux de plaisance ne sont utilisés que 14 jours par an et que les ports de plaisance sont assimilables en réalité à de vulgaires parkings : parking by the sea voilà la vérité.

Et pour les Sables d’Olonne par magie grâce à Merlin l’Enchanteur, a été aménagé dans d’anciens marais salants, un bassin de plaisance, environné d’appartements très post-modernes construits sur le terrain remblayé lors du dragage du bassin. Ceux-ci devaient faire vivre le port, l’animer, vous avez bien compris. Et alors ?

C’est raté !

Les appartements, essentiellement des studios, se sont très mal vendus.

Il y avait  trois handicaps :

 

1)    Isolement, près d’une petite zone industrielle, bonjour la poésie..

2)    Les studios conviennent mal dans une région où le climat n’est pas celui de la Riviera et impose souvent de vivre à l’intérieur, bonjour l’espace.

3)    Tous les appartements sont destinés au même type de clientèle, bonjour les clones.

 

Résultat sinistre, mis à part les commerces groupés sur le front de port.

 

Et en plus ça ne sent pas la rose ! et c’est souvent, à marée basse, par vent du Nord, avec portes du bassin ouvertes ça sent.. on ne croit pas que c’est ça.. mais si c’est ça… !

 

La vue c’est nul, l’odorat, ça craint, l’ouïe alors ?

C’est dans le genre dodécacaphonique comme musique, à savoir que pour dormir, après que les animations du bord de port aient mis une sourdine (tard ), on n’entend que mieux, par vent genre 20 nœuds, la multitude moins deux, des drisses frappant comme des folles, les mâts. Grâce à une petite astuce qui consiste à écarter les drisses du mât avec un petit bout’ dans le hauban, lorsque le bateau est au port on peut améliorer la musique. Mais pour ça il faudrait dormir dans son bateau. Dormir dans son bateau ? il faut être «  bargeau  » !

 

Un port de déplaisance ?

 

On va vous arranger ça.

 

Projet d’extension du port de plaisance des Sables présenté à la presse le 18/09/2001.

Etude AQUASS financée par : « entreprise des Olonnes »

Elle prévoit essentiellement le creusement du Bassin des Chasses sur une longueur de 700 m ainsi que l’utilisation d’une partie du marais Cadrit.

La circulation des bateaux vers le nord entraînera la suppression de la voie de communication actuelle entre Les Sables et La Chaume et son remplacement par une voie se raccordant à la rocade actuelle au niveau du rond point d’Actilonne, les 2 ponts existants étant détruits…

 

Deux petits problèmes à résoudre en passant concernant les dispositions de protection du site :

- Revoir le Plan d’occupation des sols,

- Re-délimiter les zones de protection liées à  Natura 2000.

 

Une zone de protection ? Aquassasert, c’est un endroit qui pue et de l’argent perdu, il faut mettre du béton dessus !

 

(dernières nouvelles de novembre 2002 : l’expansion externe est abandonnée – pour l’instant – on va augmenter le nombre d’anneaux intra-muros).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Les Sables d’Olonne : sa plage de sable fin.

 

Une petite précision : depuis 1544, les littoraux font partie du domaine royal par ordonnance royale inaliénable et imprescriptible. L’ordonnance dite de Colbert réaffirme ces dispositions.

1789, et les républiques rétablissent l’égalité et permettent aux citoyens d’aller en toute fraternité, bronzer en liberté.

De toutes façons avant 1789, la plage n’était pas inventée. Le concept n’existait pas.

 

Le bord de mer était la GRèVE, un endroit de terreur où s’inscrivait  en permanence  les marques de la colère de Dieu, les vagues énormes, les tempêtes hivernales en étaient des mises en garde évidentes.

Sur le rivage étaient inscrits en continu le flux et le reflux, l’affrontement de la terre et des eaux,  la menace sous-jacente d’engloutissement, le souvenir du Déluge .

Le spectacle de l’estran n’était pas pour les enfants.

Il faut ajouter que pour le rivage : puanteur, décomposition, amoncellement varié végétal et animal, ajoutaient à  l’horrible vision prémonitoire de notre fin prochaine .

Et ces marées comment  les expliquer autrement que par l’évidence du pouvoir de Dieu sur le Grand Tout, dont Nous, qui sommes  les jouets du Destin…

C’est Newton –1687– qui apportera une explication décisive au phénomène.

Exit la nature réglée par ordre divin et énigmatique.

Galilée (1564-1642) avait bien une petite idée, associant la rotation de la terre au phénomène, il avait bien essayé de le dire autour de lui, mais devant le résultat et comme ça ne changeait pas l’ordre des choses, il s’était écrasé.

Parmi les pères de l’église qui ne voulaient pas qu’elle tournât, l’un d’eux, un optimiste, dira : «  à mon avis les phénomènes de la marée resteront à jamais mystérieux jusqu’à ce que  nous ayons le bonheur d’être au ciel. »

 

Prolégomènes accomplis, allons bronzer.

Les sociologues disent qu’il faut attendre 1750 avant que le bord de mer ne soit regardé d’un autre œil, et voilà ce que voyaient ceux qui le regardaient : des travailleurs de la mer. Il fallait être obligé, donc pêcheurs à pied, ramasseurs de goémons, dénicheurs d’oiseaux de mer, contrebandiers et autres bandits de rivage, vaquaient.

 

Il ne venait à l’idée de personne de fréquenter pour son plaisir un lieu de désolation immonde où la puanteur des cadavres de toutes sortes rivalisait avec la terreur qu’ils inspiraient.

 

Si, quand on était du crû, qu’il faisait bien chaud, qu’on était jeune et courageux, alors à ce moment seulement, la bonne chaleur faisait le baigneur et c’était le bonheur.

 

Comment cette pratique, spontanée et populaire, est-elle devenue  recherchée, chic et distinguée.

Les anglais encore, et la pratique existant, ils ont inventé le plaisir.

LA PREUVE par 1789 :

Cette année là, LOUIS XVI trempe dans la révolution française. Il n’a pas le temps de prendre de vacances. Marie-Antoinette est très occupée à rentrer ses blancs moutons vers Trianon.

Pendant ce temps là, le roi d’Angleterre GEORGES III séjourne avec sa famille à WEYMOUTH, se baigne deux fois avec la reine et ses filles, dans la mer et la proximité du peuple… D’accord le roi était un peu déprimé, c’était pour sa santé, mais c’est quand même une belle différence dans la façon d’apprécier la nature et ses plaisirs.

Et voilà l’effet inattendu de la révolution française :

 «  Ah, ça ira, ça ira ça ira, les aristocrates en Angleterre… »

Vive les aristocrates royalistes, ce sont eux qui en émigrant en Angleterre ont appris les coutumes du dernier chic et l’Art de la villégiature de mer qu’ils ont rapporté à leur retour : 

«  Ah ! ça ira, ça ira, ça ira, les aristocrates à la trempette. »

The English Trempette qui était à visée essentiellement thérapeutique s’effectuait sur le sable dur et avec de l’eau glacée ( on n’était pas obligé de se tremper dedans) c’était sur le modèle de : «  nous allons prendre les eaux dans les stations thermales à la mode et à la saison » et ça on savait le faire dans toute l’Europe.

English trempette, les deux protocoles :

Ceux qui entrent dans les flots, le bain « OPEN-SEA » le font accompagnés d’un « baigneur-juré », un vrai professionnel, il sait ramer sur un bateau, il sait nager dit-il ou tout au moins il n’a pas peur de l’eau, lui. Pas question de nager, pour les baigneurs tout court, ils sont là pour prendre la lame sur le derrière. Ce qui est fondamental et j’ose le dire, c’est d’être fouetté par la lame et par derrière. Ceux qui restent sur le sable dur mais ne s’aventurent pas trop dans l’eau, parce qu’ils sont un peu timorés, présentent leur derrière au baigneur-juré, qui à grands coups de seaux d’eau de mer…et à chacun son tour…

Pour ceux qui redoutent les bains « OPEN-SEA » les couards, les malades et les femmes, il faut des établissements de bains avec baignoires, eau chaude - eau froide, eau de mer - eau douce.

 

Le bain à visée thérapeutique, chaud et froid, doux ou salé tel qu’il a été inventé par les anglais, dans les établissements de bains a été réactualisé dans les établissements actuels de thalassothérapie.

 

C’est la fréquentation britannique qui impose en France la construction de ces hôtels de bains dans les villes où ils séjournent. La France possède grâce à eux deux établissements prestigieux.

Un établissement de bains désigne plusieurs réalités différentes :

1        il peut être comparé à un grand hôtel, ou,

2        à visée uniquement thérapeutique possédant uniquement bains et douches il porte littéralement son nom.

 

 

A Dieppe en1822 et à Boulogne en 1824 , voilà les établissements prestigieux et la voilà la révolution car avant 1822 ceux qui voulaient se baigner « open-sea » ne disposaient que de : « the sea », quelques voitures de bains, et quelques tentes réparties au hasard sur la plage.

Après 1822 «  face à la mer se déploie une galerie de plus de 300 pieds de long qui a la forme d’une tente soutenue par des lances. La voûte du portique est revêtue de caissons et de rosaces dans toute son étendue. Au-dehors, des niches grecques pratiquées dans les pieds-droits, renferment 4 statues représentant les principales mers. Des cabinets aménagés dans les angles, servent à des dépôts de livres et de journaux, à la distribution des cartes d’entrée. La galerie interrompue en son milieu par un portique en forme d’arc triomphal, se termine à chaque extrémité par un pavillon carré. Celui des Dames se compose d’un grand salon servant de lieu de réunion avant et après le bain. Il communique avec 2 cabinets de repos et de secours pour les baigneuses dont l’état exige des soins particuliers. Ces pièces donnent sur la mer et sur un jardin à l’anglaise qui sert de promenade. Le pavillon des Hommes est identique, si ce n’est que la pièce principale sert de salle de billard. Un escalier circulaire conduit à la terrasse qui couronne le portique. Des lunettes d’approche permettent de voir la mer…et la plage. Face aux pavillons sont installés des pontons garnis de garde-fous, que les baigneurs ont à parcourir pour se rendre à la mer, sous la conduite des guides-jurés. Au pied des pontons, sont des tentes mobiles de toile blanche et de coutil où l’on laisse et l’on reprend ses vêtements. »

En résumé, un HÔTEL DE BAIN DE MER  à la Restauration, celui qui n’a rien à voir avec un endroit où l’on pratique la Thalassothérapie primitive,  est un « palais » à la longue façade à colonnades qui permet pour les dames l’accès à un salon particulier, à une chambre de repos, à une salle de rafraîchissement, à un salon de musique, pour les Hommes à une salle de réunion, à une salle de billard et à plusieurs salons. Le « palais s’ouvre par un péristyle du côté de la mer, un escalier permet d’accéder à la plate-forme qui recouvre le bâtiment sur laquelle on peut se promener, regarder la mer et lorgner les baigneuses... Voilà le pourquoi des voitures de bains qui, tirées par des chevaux, conduisaient «  incognito » les baigneuses jusque dans l’eau au genou où à l’abri de quelques toiles elles pouvaient recevoir la lame sur la partie la plus charnue de leur individu, sans témoin à la lorgnette…


Les bains qui n’étaient pas pris « open-sea » étaient pris en ville dans des établissements de bains qui disposaient de baignoires, d’eau chaude et froide, salée ou douce, mais ça on le sait et c’est moins rigolo..

 

On se baignait avec parcimonie et délicatesse, c’était l’alibi parce que le plaisir était ailleurs.

 

 

Pour les autres plaisirs il fallait disposer de librairies ( pas tout à fait au sens où  nous l’entendons aujourd’hui - le libraire  tenait plus de l ‘éditeur que du marchand…) avec cabinets de lecture, librairies dans lesquelles un registre était ouvert, on y signalait son arrivée, mentionnant les membres de la famille et le personnel, ces informations hyper-importantes pour être publiées dans la presse locale :  rubrique chronique mondaine.

 Il fallait disposer d’un réseau de promenades à pied, de jetées, de parcs, il fallait des spectacles, des bals, des courses de chevaux et des régates, pour être heureux.

 

Hors de ces 2 villes en 1820 et des brouettes il n’y avait pas grand chose :

1820, ROYAN et BIARRITZ commencent à attirer les touristes.

1827 GRANVILLE : construction d’une cabane pour les baigneurs.

Mais c’est déjà quelque chose.

 

Et comme on peut s’y attendre, pendant ce temps là aux Sables d’Olonne, c’était le bain à la bonne franquette, avec une absence totale de vie sociale de type aristocratique et pas même de cabane pour les baigneurs, résultat , entre soi on ne se gêne pas :

-      à poil les gars, complètement à poils !

-      où ça, où ça ?

-      sur la plage !

-      je croyais qu’ils étaient en chemise,

-      pas tous,

-     ….Hou hou hou ! Allons voir le loup….

-      Bon ça suffit !

Ce petit problème local a été traité en 1816. Les femmes d’un côté, les hommes de l’autre, et quant à ceux qui sont tout nus, hors les murs s’il vous plait. Exécution.

 

1816 ! si on réglemente c’est qu’il y a un intérêt nouveau pour les Sables d’Olonne.

 

Un intérêt qui n’est pas perçu comme positif par la population pourtant en totale déconfiture de pêche à la morue. Une autre façon de gagner sa vie, jamais de la vie ! Cette population est ouvertement hostile à «  l’étranger » précisons en 1816 « l’étranger » est vendéen essentiellement, issu des départements limitrophes très peu et parisien sûrement pas.

 

Les Sables d’Olonne, ce nom  a retenti à travers la France grâce à la chouannerie et aux guerres maritimes. Ce qui en coup de pub pouvait se traduire par «  à la vie, à la mort ! » et non pas par « à la vie, à la mer ! » comme on veut nous le faire croire en 2001.

 

1824  -  ARRêTé  pour «  protéger les étrangers contre toute insulte » ça en dit long  sur l’accueil réservé par les indigènes aux quelques visiteurs !

ETRANGER, vous avez bien lu, 1824 c’est la première fois que les visiteurs sont catégorisés de la sorte, par les instances municipales et sur un compte-rendu tout ce qu’il y a d’officiel….
CQFD, l’ostracisme.

 

Le mot «  touriste  », synonyme de voyageur date de 1816, mais c’est STENDHAL qui l’impose réellement en 1838 avec les mémoires d’un touriste. Le Larousse du XIXe dit du touriste qu’il « voyage par curiosité et par désoeuvrement ». Les touristes ne sont pas forcement des itinérants, ils peuvent s’installer dans une villa au bord de mer et n’en pas bouger.

Le mot « estivant » n’apparaît qu’en 1920.

 

Une fois de plus, les sablais ne voient pas comment mettre à profit, au bon moment, les qualités de leur site.

La montée en puissance de la station balnéaire  sera très lente et ne devra surtout rien aux indigènes.

La fortune viendra malgré la volonté des Sablais.

Cette indifférence explique l’installation laborieuse des bains de mer sur la plage.

 

C’est pourtant la plage qui va apporter réputation, renommée, et  prospérité à la ville.

 

1825 - le négociant RAGUET construit 8 chariots roulants qu’il place sur la plage à la disposition des visiteurs qui se baignent « open-sea ».

1826 - rien d’autre n’existe à part ces 8 cabines roulantes qui « consistent dans une espèce de grande caisse carrée et longue surmontée d’une toiture en bois, placée sur 4 roues, avec une porte aux deux bouts pour monter et descendre et deux petits escaliers portatifs. Un cheval s’attelle à cette chambre ambulante et la conduit dans l’eau à la hauteur requise ».

 

 

 

 


Pourtant en 1835 les étrangers se regroupent pour réclamer une salle de réunion et de spectacle…

1845        400 étrangers.

1846        700 étrangers.

1852    1000 à 1200 étrangers.

 

 

Les étrangers dans la ville, et elle est comment la ville ?

 

Pas accueillante, un petit trou du littoral où dans les rues étroites, malpropres et puantes on rencontrait  les animaux domestiques qui vaquaient en liberté et en toute quiétude, pas comme les étrangers… Les maisons étaient basses sans trop d’ouvertures et surtout pas orientées vers la mer, direction de tous les dangers, il fallait s’en protéger de celle-là et les blottir le long du cordon dunaire, bien ancrées, les unes contre les autres.

La ville historique allait jusqu’à ce qui est la rue Travot de nos jours. Le Cours Blossac ne sera pas aménagé avant 1849 .

 De plus, les abords du rivage demeurèrent très longtemps sans acheteurs et sans maisons malgré la protection du remblai. Il faut évoquer la mémoire de Joseph Giraudin  qui le 8 Juin 1830 parle des besoins de la ville pour l’avenir et suggère un projet d’extension du remblai pour arrêter la progression des sables, un visionnaire Mr le Maire : «  quel beau spectacle offrira notre magnifique plage, le jour où sa limite si avantageusement tracée par la nature sera fixée par des murs sur toute son étendue. »

Proposition qui sera effective jusqu’au Phare Rouge en 1865. (1830 – 1865, ça fait 35 ans pour un remblaiement sur 500 m) - sans commentaires de ma part !

C’est à partir du Bd de l’Ouest par le Grand hôtel (1841), celui que les visiteurs estimaient nécessaire en 1835, que le remblai se borde peu à peu de belles demeures de style ; la progression continuera jusqu’en 1905 et atteindra la lisière du bois de la Rudelière.

 

Le Grand Hôtel, établissement voué à la détente, aux jeux et à la restauration, remplit les fonctions de ce que nous entendons aujourd’hui par CASINO. Il existe une confusion dans les genres jusqu’en 1907, la loi régissant les casinos ne permettra plus les établissements de ce type.

 

Ce Grand Hôtel ou Etablissement de Bains, qui était en fait un Casino, le premier casino de la ville, un établissement du dernier chic, un hôtel d’un genre spécial, a été construit par Chenantais, architecte renommé de la ville de Nantes ( je ne l’invente pas ) et détruit en 1957 pour construire l’immeuble Miramar.

 Et qui fait bâtir face à la mer, de belles demeures de style ? Les ETRANGERS de Vendée et des départements limitrophes.

 

La première représentation des Sables en tant que cité balnéaire est une gravure d’Adolphe d’Hastrel, elle représente l’Hôtel des Bains, sa situation et son environnement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


C’est en 1852, ils étaient environ 1200 étrangers, ô privilège ! ô sacrilège ! où habitaient-ils ?

Très très peu face à la mer dans les demeures de style, (pas beaucoup de demeures de style sur la gravure de A d’Hastrel), mais ça viendra plus tard … plutôt dans les locations meublées chez l’habitant, ou dans les pensions bourgeoises, fréquentant les tables d’hôtes et les traiteurs. Il s’agissait essentiellement de séjours familiaux pour les notables des environs, le genre station à la mode pour bourgeoisie provinciale.

 

 1854 : 4 établissements de bains pouvant offrir bains chauds et froids et 125 cabines.

Attention date importante pour la prise de conscience du potentiel économique de l’activité touristique

Ce monopole est menacé par décision de l’état de concéder par voie d’enchère le droit d’exploiter les cabines (on craint que les établissements rivaux de La Rochelle, Royan, Pornic, Le Croisic et qui avaient une belle expérience, eux , ne s’emparent de cette concession et ruinent cette industrie).

Alors, discussions et l’état amodie la plage à la ville qui à son tour la loue en partie à des concessionnaires qui à leur tour louent une partie des parties aux étrangers, ah les vilains !

C’est le système actuel.

En 2003 ça changera, non sur le principe mais sur le quota de l’espace à louer aux étrangers… ça va aller vers la diminution., mais non pas du prix de la tente, t’es bête ou quoi.

 

 

En 1856 , les visiteurs arrivaient en villégiature aux Sables d’Olonne grâce à un réseau de voitures à chevaux. Dans une lettre Mr VIAUD de PREMARAIS dit : «  Il suffirait d’un tronçon de chemin de fer pour achever sa fortune qui va déjà bon train… » en plus il avait de l’humour celui-là.

 

En 1856 la VENDEE fait partie des 8 départements dont le territoire reste ignoré par le chemin de fer.

 

En 1866 enfin le train, Les Sables - La Roche. ( La Roche - Paris existait déjà). 1866 c’est vraiment la date charnière c’est à ce moment seulement que la station décolle.

En 1868 voilà les « Trains De Plaisir » à prix réduit ! et c’est parti jusqu’à aujourd’hui où les TDP ont été remplacés par les TGV et ça c’est très récent. Quand on sait qu’ils sont tractés depuis Nantes par une locomotive diesel dont la couleur n’est même pas assortie, on n’est pas fier pour le député-maire qui quand il monte dedans ne peut pas choisir  sa cravate, de la couleur qui convient pour la photo..

 

Mais ses administrés plein d’orgueil voyagent dans le TGV le plus lent du monde et le plus cher aussi ( 18 millions de francs d’investissement pour faire fonctionner les portes, la clim et d’autres trucs à partir d’une locomotive diesel et ce sur 90 km - qui dit mieux?). Les frais d'investissements effectués passons aux frais d'exploitation maintenant 2 485 000€ en 2004 à 3 600 000€ en 2005, merci les collectivités territoriales, d'ailleurs c'est  une broutille quand c'est partagé entre nous tous de la région…parce que l'autre lundi 01/03/04 dans le TGV de 11h26, nous étions 9 en classe 1 et 63 en classe 2, égal 72 voyageurs et en TGV tracté parce que nous le valons bien…

 

Trop arrogante la locomotive diesel s’est attiré des inimitiés. Une association d’exaspérés s’est constituée, lasse de ses nuisances en manœuvre de pré-chauffage, car 45 mn avant le départ, elle vrombit, trépigne et crache…

Association « gare aux pollutions »

12 rue Buzelin 75018

jcduflo@clubinternet.fr

où montrer de la compassion.

 

 

En TGV on n’a pas à changer de voiture à Nantes et l’approche en voiture, ça donne quoi ? où est la deux fois deux voies, celle dont on parle et qu’on ne voit toujours pas, est-ce la voie évolutionniste qui navigue dans l’océan de la permanence de la mentalité sablaise envers autre chose que son petit nombril doré.. ?

 

 

Anne, ma sœur Anne,

ne vois-tu rien venir ?

Je ne vois rien que

le soleil qui poudroie,

la mer qui verdoie

et le sable qui merdoie.

 

 

Françoise Lebraud - Le Glas

 

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