EAUX, ELLES ET EUX .
20.08.2004
Il faut dire d'emblée que les femmes, de
tout temps et par tous les temps, on les trouve plutôt dans l'eau que sur
l'eau.
Ce seront les travailleuses dans l'eau, alors
que les travailleurs sur l’eau seront les hommes, voilà la problématique.
LES TRAVAILLEUSES DE L'EAU, de NAUSICAA à Ellen
MAC ARTHUR, EN OCCIDENT et… AUX SABLES
D'OLONNE.
Les
travailleuses en eau douce
Dans l'eau douce, une des premières travailleuses d'occident : Nausicaa aux bras blancs, et ses suivantes nues au bain et vaguement à la lessive… sous les yeux d'Ulysse pour corser l’histoire. Lui est surtout connu bien-sûr pour son ODYSSEE sur l'eau… mais je ne m'arrêterai pas là.. Et je ferai d’emblée une remarque : les yeux d'Ulysse qui avait une bonne vue par ailleurs (elles étaient toutes plus jolies les unes que les autres) n'étaient pas concupiscents (ce défaut de vision spécifiquement masculin, n'atteindra les hommes qu'après la naissance de JC…) mais déficients… puisque HOMERE dans cette occurrence n'a qualifié que les bras de Nausicaa… mais bon, il avait vu l'essentiel, LE BLANC… mais non pas Homère, lui, était aveugle.
Homère, Odyssée, VI, 97
sqq.
http://www.mythorama.com/_mythes/indexfr.php?liste=ho
Si l’on doit citer un magnifique cas d'école des yeux concupiscents, au bain toujours, on dit : "Suzanne"… "Suzanne et les vieillards" sujet religieux on ne peut plus traité, et chaque peintre illustrera le sujet on se demande bien pourquoi… ce ne peut pas être un alibi pour peindre une académie… non je n'y crois pas, pas Rembrandt, ni Rubens, ni Van Dyck, ni Tintoret… ni les autres, alors un alibi pour des commanditaires pervers... très pieux (alibi qui sera utilisé jusqu’au début du XXième, au prétexte que le bain de Suzanne est la préfiguration du baptême...)
http://www.h2o.net/magazine/decouvertes/culture/mythes/erotisme/francais/erotisme_6.htm
http://www.pyb.com.au/ptcds/pcres/focus/susanna.htm
http://www.insecula.com/oeuvre/O0017320.html
http://www.univ-montp3.fr/~pictura/GenerateurNotice.php?numnotice=A0207
http://aart.online.fr/Lottosuzanne.htm
http://perso.club-internet.fr/vidal-p/baroque/italien/guide/suzanne.htm
Nausicaa et ses suivantes vont initialiser une spécialité uniquement féminine: laveuse, lavandière, puis blanchisseuse… et lingère qui va s'exercer dans un lieu réservé, le lavoir, et ce jusqu'à l'invention de la machine à laver...
Ces 4 dénominations recouvrent des réalités différentes :
Le blanchissage concerne le linge de maison, un linge solide qui récupère sa couleur, d'une façon saisonnière au cours de procédures rigoureuses.
Le lavage concerne le linge de corps, c'est une pratique plus douce et plus fréquente.
Dans l'un et l'autre cas le linge sera confié ensuite à la lingère qui le repassera et le raccommodera le cas échéant.
Ce lieu, le lavoir exercera une fascination qui ne se démentira pas au cours des siècles et trouvera son apogée lorsque le linge de maison se banalisera ( XIXème siècle) A l'époque romantique les auteurs masculins décrivent le lavoir avec volupté, ZOLA par exemple dans L'ASSOMMOIR (1852) 500 pages en livre de poche, 13 chapitres. Et Chapitre 1, devinez quoi, la célèbre scène du lavoir et la furieuse fessée donnée par Gervaise à Virginie et au battoir s'il vous plaît… deux fois bien nommé dans cette circonstance…
Aux Sables
d'Olonne, les Sablaises utilisaient leur battoir, en 1852, au lavoir public du Courseau.
Le lavoir du Courseau ouvert au public en mars 1835 se trouvait dans ce qui est actuellement la rue Félix FAURE, sa section juste après la rue Achille DUCLOS, car à cet endroit, des sources fournissaient une eau abondante et claire, et la proximité du ruisseau du Berger permettait d'évacuer à peu de frais les eaux sales à la mer… Il s'agissait d'une construction avec 4 bassins, vidés et balayés tous les samedis et pour 5 centimes à la journée, la laveuse disposait d'une place et de la commodité d'utiliser un râteau en bois pour rattraper le savon ou le linge échappés par inadvertance, mais pas la commodité de l'étendage… c'était chacun chez soi sauf pour le linge de l'hospice ou hôpital qui était traité à l'intérieur de la ville, Rue de l'Amidonnerie, rue des Buandières, rue Blanche, rue des Séchoirs. En fait dans ce périmètre il y avait des hangars (au 4 rue des Séchoirs par exemple la maison est incluse dans l’un d’eux – non visible de la rue…) qui en facilitaient le traitement, par tous les temps et à l'abri des vols, mais pas à l'abri de la vertu car rue des Buandières anciennement rue des Buanderies (réminiscence… encore en 2004, une laverie-pressing au n° 1) il y avait une maison de tolérance (située au niveau de l’immeuble Métropole, au n°2 actuellement) qui fit l'objet de nombreuses réclamations pour rixes et bagarres en 1850. Rixes, bagarres et tolérance zéro pour femmes mal famées…de la part des sœurs laveuses en charge de jeunes filles, leurs assistantes… cette année là, le conseil municipal a été prié de trouver des remédiassions.
Le linge était aussi étendu sur la plage comme on peut le voir sur de nombreuses cartes postales.
Le lavoir du Courseau a été comblé en 1912 pour permettre les constructions actuelles.
En attendant le service d'eau (1875) avec machine à laver individuelle (1960 pour le grand bond en avant)… création d'un nouveau lavoir collectif jusqu'en 1963… à l'endroit précisément où maintenant on peut encore laver son linge sale en famille… au Commissariat de police … bâti sur le site du lavoir connu sous l'appellation de : lavoir du petit séminaire…
Dans les villes l'essentiel du blanchissage est accompli par des professionnelles, et ce n’était pas un travail de « miclette ».
Les blanchisseuses restent
debout pendant 13 ou 14 heures d’affilée dans un bain de vapeur avec les mains
à vif d’un bout de l’année à l’autre. Rose Schneiderman.
Dans la littérature romanesque de cette époque, les auteurs mettent en scène qui les lingères, qui les blanchisseuses, et le lavage est la grande occupation des femmes ouvrières. Le sujet est beaucoup moins traité en peinture, à part DAUMIER – La Blanchisseuse 1861 – DEGAS qui préférait les danseuses - Blanchisseuse (silhouette) en 1873 - et Les Repasseuses vers 1884. Paul Guigou - Lavandière 1860 et à ce moment-là, au bord du ruisseau, elle est bien installée sur son garde-genoux. Ces 4 tableaux sont au musée d'Orsay, en conclusion le sujet n'était pas très porteur en peinture contrairement à la littérature…
En musique de variétés, le sujet a été chanté en 1955 par Jacqueline François, paroles de Roger Lucchesi, musique de André Popp et repris en chœur sur tout le territoire français :
Connaissez-vous des lavandières, comme il y en a au
Portugal
Surtout celles de la rivière de la ville de Setubal
Ce n'est vraiment pas des lavoirs, où elles lavent
mais des volières
Il faut les entendre et les voir, rythmer leurs
chants de leurs battoirs
refrain
Tant qu'y'aura du linge à laver
On boira de la manzanilla
Tant qu'y'aura du linge à laver
Des hommes on pourra se passer
Et tape et tape et tape avec ton battoir
Et tape et tape tu dormiras mieux ce soir
Et tape ! et tape ! et tape sur ton battoir !
Et tape, et tape, et tape, tu dormiras mieux ce soir
!
A l’opéra aucune héroïne blanchisseuse… à l’époque post-romantique, les ouvrières très peu nombreuses sont couturières et tuberculeuses.. (Mimi dans la Bohême de PUCCINI, Louise dans Louise de CHARPENTIER qui elle, est en bonne santé.)
Le BLANC règne partout après la déclaration du dogme de l'Immaculée Conception en 1854, et Marie l'immaculée est proclamée la patronne des lingères.
Malgré cette protection, il y en a qui sont plus lingères que d'autres…
Malgré cette protection il y a plusieurs sortes de blanc …
Jusqu'à maintenant, dans la religion catholique le lavage des linges sacrés demeure interdit aux femmes, même celles qui ont fait la preuve de leur savoir-faire... genre regardez ma cornette… et ménopausées en plus.
Le linge sacré est le linge qui pourrait se trouver en contact avec les saintes espèces, les trois nappes d'autel par exemple…
Alors ce linge là sera lavé par un linger, tiens quel drôle de mot qui n'existe pas au masculin dans le sens entretien du linge..
C'est alors un ecclésiastique constitué dans les ordres sacrés, normalement un sous-diacre, qui accomplira le travail sacré…(à ne pas confondre avec un sacré travail, mais absolument codifié…et qui répond à un rituel immuable : le linge sacré doit être lavé successivement à trois eaux).
Et comme les femmes n'ont pas même le droit de toucher les précieuses étoffes, il les repassera lui-même le type!
Pour autant en 1854, les enfants de Marie, les servantes de Marie, et toutes les jeunes filles supposées vierges que les prêtres font entrer dans les nouvelles confréries, ne sont pas au chômage elles entretiennent les aubes et amidonnent les surplis.
Et MARIE, sainte blanchisseuse par un glissement subtil va aussi blanchir les âmes… et les soins au linge entrent naturellement dans la propédeutique du corps et de l'âme… Déjà la position de la laveuse au lavoir, agenouillée dans son garde-genoux bien rembourré en bois, fait en sorte qu'un lien s'établisse d'emblée entre la repentance et le maniement de la blancheur des étoffes.
C'est si vrai que maintenant encore… en Irlande, ce n'est pas si loin… dans les Magdalene Sisters Asylum, ouverts jusqu'en 1996… les parents très catholiques plaçaient leurs filles fautives ou supposées telles ou violées, dans ces institutions à mi-chemin entre institution pénitentiaire et institution éducative où elles travaillaient comme des domestiques en pleurant comme des Madeleines à laver le linge des bourgeois pour se laver de leurs péchés...
Cela a fait un très bon film en 2002 de Peter Mullan : THE MAGDALENE SISTERS où les chères sœurs justement n'ont pas le beau rôle… Humiliations, harcèlements, privations, comme pratiques pédagogiques et rédemptrices…
Les activités dans l'eau douce sont nombreuses et variées pour les dames avec un petit caractère désuet, Dieu merci! lorsqu'on évoque les rouisseuses et autres rabouilleuses du bon vieux temps...
Et on doit à H. de Balzac de magnifiques descriptions de ce si beau métier qu'est celui de rabouilleuse (celle qui trouble l'eau avec une branche d'arbre pour prendre du poisson, comme chacun sait…et là employés au sens figuré les mots : poisson et troubler.. )
http://www.critiqueslibres.com
Le rouissage il n'en a pas parlé, ni au sens propre, ni au sens figuré, mais sous la rubrique comme autrefois certains folkloristes font revivre les métiers du temps passé. Ce qui fait qu'avec les gens de Mont-Jean, nous pouvons en 2004 avoir une petite idée de cette activité les pieds dans l'eau. Mais nous n'aurons pas tous les agréments puisqu'il nous manquera l'odeur, Eh oui ! l'odeur du chanvre en putréfaction après sa stagnation dans l'eau de la rivière, et avant que les tiges ne soit battues pour en dégager les fibres...
En Vendée comme dans les campagnes où la culture était possible, chaque famille avait son champ de chanvre ou de lin, réservé aux filles qui à partir de cette matière première brute fabriquaient leur trousseau perso… rouissage, et toutes les étapes jusqu'au filage de la toile… mais déclin des activités domestiques de fabrication des toiles de lin et de chanvre dans le dernier quart du XIXème et avènement de ces mêmes activités mais artisanales cette fois. C'était le même travail mais au lieu de le faire à la maison et d'être payées à la pièce elles étaient embauchées chez un patron, travaillaient dans un atelier, bien surveillées question rendement et étaient payées à la semaine.
Si les filatures ont disparu, il existe un vrai savoir-faire vendéen pour des produits de grande qualité et…
un vrai faire-savoir vendéen pour le claironner
ce qui a permis à Louis VUITTON de s'installer aux ESSARTS.
"En
Vendée, en une ou deux générations, des ateliers artisanaux, de petites
sociétés de production ou de transformation sont devenus des entreprises de
dimensions nationale ou internationale. Au palmarès de ces succès vendéens :
·
Le groupe Bénéteau-Jeanneau, n°1 mondial de la
construction de plaisance, VMI, n°1 du pétrin de boulangerie, Samro, leader
européen de la construction de remorques, New Holland Braud, leader mondial de
la machine à vendanger, SKF, n°1 du roulement à billes, Defontaine, n°1
mondial des couronnes de démarreur ...
·
Des fleurons de l'agro-alimentaire comme
Fleury-Michon, Arrivé et sa marque " Maître Coq ", Sodébo, n°1
national de la pizza en rayon frais, La Boulangère, Rougié-Bizac, n°1 mondial
du foie gras ...
·
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"
·
Rautureau Apple shoes, spécialiste de la chaussure
haut de gamme.
· Les transporteurs Joyau ou Graveleau dont les camions sillonnent l'Europe jour et nuit."
Revenons à nos moutons…
De nos jours l'utilisation du chanvre est beaucoup plus diversifiée, déjà il n’est pas utilisé pour le calfatage des bateaux,
- on fait toujours des ficelles (pour les rôtis…), les cordes, de moins en moins, la tendance c’est plutôt, acier + kevlar sur les bateaux,
- des étoffes rustiques de moins en moins aussi de toutes façons depuis de nombreuses années les bateaux de pêche sont à moteur, les voiles des voiliers sont maintenant en mylar-kevlar et autre matière résistante et légère,
- nouveau : des matériaux isolants pour la construction, ses qualités sont bien supérieures à celles de la laine de verre disent les ingénieurs car "la laine de chanvre" ne se tasse pas et
- des pétards de plus en plus, mais ça on oublie c'est interdit..
- http://www.chanvre-info.ch/info/fr/pictures.html?dir=cultures02
Le rouissage était pratiqué dans l'arrière-pays, un petit rouisseau et hop au travail mesdemoiselles!
L'industrie des cordiers était florissante aux Sables d’Olonne comme on peut s'y attendre dans un port de pêche.
Les grandes corderies nécessitant beaucoup d'espace, étaient en façade de la plage jusqu'en 1871, époque où les terrains de bord de mer ont été convoités par les investisseurs.
Les petites corderies étaient rue des Corderies actuelle et y sont demeurées un peu plus tard jusque vers 1900, quand il a aussi fallu débarrasser le quartier de ses activités d'artisanat pour lui faire prendre une orientation résolument touristique…
Le rouissage pas seulement le chanvre, le lin aussi, plus noble la matière et toujours cultivé en Vendée, Palluau et La Chapelle Palluau, s'enorgueillissent d'en posséder de nombreux hectares sur leurs communes et il est vrai que, en juin ces grandes étendues de fleurs violettes sont magnifiques. Et à Saint Paul Mont Penit le lin est folklorisé en juillet
18 July |
Fête
du Lin Festival of flax and linen, with walks, meal, fashion display. From
8am, near church. Admission free. |
Near church, St-Paul-Mont-Pénit, near Aizenay |
- un défilé de vêtements en lin suivi d'une soirée dansante,
- une randonnée de 17km vers les champs de lin.
-
http://boiseau.free.fr/page15.html
-
http://www.ot-palluau.fr/sentiers.htm
-
http://www.netcomuk.co.uk/~anjbird/july.htm
Rabouilleuse seulement dans l'eau douce, dans l'eau salée qui n'est pas tellement plus chaude l'hiver, pieds nus, les femmes faisaient pêcheuses.
Les
travailleuses de la mer :
« maman, les p’tits
bateaux ont-ils des jambes ? mais oui mon gros bêta, s’ils n’en avaient
pas, ils ne pêcheraient
pas… »
Pêcheuses à pied pourvu que la marée soit basse, la grève c'était chez elles. Après avoir parcouru peut-être, des kilomètres pour atteindre le spot, accroupies, agenouillées, courbées, pliées en deux, elles prélevaient les moules, les crabes, les huîtres etc.., pendant 2 heures au moins… ou dans l'eau froide jusqu'au ventre, pendant 2 heures au moins elles poussaient devant elles leur filet pour récolter crevettes, soles, plies, etc.….
Bon et dans les marées de morte-eau elles pouvaient faire pêcheuses à la ligne… au sec!
Ce qui est cocasse, c'est que habillées comme 3 sous, d'un vêtement décoloré, rapiécé, élimé, elles pouvaient rester dans l'eau de longues heures sans avoir de malaise elles, alors qu'à la même époque, les médecins codifiaient le bain de mer et déconseillaient les bains de plus de 10 mn… à celles qui étaient vêtues d'une façon bien plus coquette et appropriée, 5 articles et même les souliers de bains pour la tenue réglementaire de la baigneuse accompagnée de son baigneur-juré rémunéré…
Pour revenir du spot, elles se retapaient le trajet en sens inverse et toujours mouillées, les coquillages bien rangés dans les sacs… 30 à 60 kg … diantre, que lourdes sont les coquilles!
Quand la pêche était bonne… elles allaient les vendre à leurs pratiques, sans perdre de temps, le produit est fragile, ça pouvait vouloir dire 5 à 10 km de nouveau dans la campagne.
Et que gagnaient-elles en faisant ce métier de chien?
- une vigoureuse santé… voir plus haut,
- l'estime de la communauté, pour avoir gagné quelques sous d'une façon aussi honnête.
Aux Sables d'Olonne, H. Retureau en étudiant les registres paroissiaux a relevé les noms de Marie Bricman, Jeanne Tangur, Angélique Guignard qui étaient dites "pêcheuses de chancres"... Jeanne Braud veuve de marin était "pêcheuse de coquillages".
Cet apport alimentaire permettait aux femmes, en l'absence de revenu, de nourrir leur famille. Sur le platier sablais elles pêchaient les chancres (crabes), les homards, les crevettes, les palourdes, les coques, les jambes (berniques ou patelles ).
Avec des effets secondaires inattendus : l’ingestion des coquillages fut la cause de la forte fertilité des femmes de la côte de cette époque…
Explication :
Tous les rapports démographiques et médicaux des XVIII et XIXième siècle signalent la forte fécondité des femmes des zones saunières et vinicoles et plusieurs hypothèses ont été faites, la cause la plus probable était attribuée aux influences du milieu littoral et marin ;
« On prétend que les coquillages contribuent beaucoup à la génération ; aussi voit-on dans tous les bourgs et villages de ses isles des fourmilières d’enfants » écrit Claude Masse à la fin du XVIIième siècle à propos de l’île de Ré.
Pour les îles vendéennes et le littoral de l’arrondissement des Sables, Cavoleau poursuit au début du XIXième siècle :
« un
physicien attentif en trouverait sans doute la cause dans la qualité des
aliments dont les habitants se nourrissent. Ils mangent une grande quantité de
poisson, de crabes et surtout de coquillages, qui contiennent beaucoup plus de
sucs nourriciers que les végétaux dont on se nourrit ailleurs. Par cela même
ils doivent être disposés à l’acte vénérien, auquel ils sont peut-être encore
stimulés par l’abondance des parties salines que contiennent les huîtres, les
palourdes, les sourdons (coques), les moules et les patelles ou jambes, dont ils font
une si grande consommation ».
rapporté par Dominique
Guillemet dans Les îles de l’Ouest de Bréhat à Oléron du moyen âge à la
révolution.
Les poissons plats, soles, plies, turbots étaient séchés et salés, les sardines pressées et consommés l'hiver.
En théorie, en 2004 le ramassage des coquillages est interdit aux Sables d’Olonne par arrêté municipal pour cause d’insalubrité…
Sale quart d’heure quand même pour les tellines ou pignons, à marée basse lors des forts coefficients. On ne trouve plus autres choses..
Cette pêche à pied beaucoup plus diversifiée quant aux prises se pratique au pont d’Yeu. C’est un promontoire sous-marin, pointé vers l’île d’Yeu, visible aux basses eaux des grandes marées à Notre-Dame-De-Mont, actuellement hommes et femmes sont prédateurs à part égale sur ce site.
.
Seulement les femmes parcouraient l'estran et " ragouillaient " dans la mer, les hommes eux, étaient sur la mer.
Bon d'accord, sur la mer, pêcheur c'est aussi un métier de chien mais là où ces messieurs ont aussi pêché par abus de pouvoir... c’est qu’ils ont toujours refusé la présence des femmes sur les bateaux…
La présence d'une femme sur un bateau est considérée par ces messieurs comme impensable, inopportune voir néfaste.
La présence d'une femme sur un bateau et cela de tout temps est jugée maléfique.
Il ne
faut pas cacher la vérité, les seules femmes embarquées sans répugnance sont en
bois, ce sont les figures de proue.
Et figure de proue ou pas, c'est le bateau entier qui est personnifié par ces messieurs.
Ce n'est pas l'expression d'une simple métaphore puisque cette représentation est clairement formulée dans un traité de droit maritime –rapporté par Remond-Gouilloud- :
"Le navire est à l'instar d'une personne, doté d'un nom, d'une nationalité et d'un domicile où sont centralisées les informations relatives à son état ; comme une personne encore il doit porter sur lui ses papiers d'identité. Ces caractéristiques évoquent la personne physique ou morale. L'entité navire forme un tout organisé. En cela il ressemble à une personne."
Personne ne s'y trompe justement puisqu'un bateau est baptisé et même si l’on argumente en disant qu'il s'agit davantage d'une bénédiction que d'un baptême…on peut légitimement se demander ce que signifierait la bénédiction d'une chose….
Il y en a d'autres preuves, que son nom de famille et son nom de baptême,
son "nez" est la proue,
son "cul" la poupe,
les "joues" sont situées à l'avant,
le "squelette" désigne un bateau en construction non encore recouvert de bordage,
quand il touche le fond avec sa quille "il talonne",
quand il est "perdu corps et biens" il ne s'agit pas des corps des marins disparus en mer mais du "corps" du bateau, etc.…
Bon, si le bateau est une personne la question légitime est : de quel "sexe"…?
Les Anglais ont clairement répondu en utilisant le pronom "she" dont l'usage dans cette langue est réservé aux femmes, aux navires et aux chats…
Encore que chez eux aussi tout fout le camp…Information parue dans le journal LE MONDE du 27/02/03 :
-
Les navires
de sa majesté changent de sexe
Les bateaux ne relèvent plus du genre
féminin. Cette décision divise l'Angleterre en deux camps…
A la lecture de l'article, on comprend qu'il s'agit des navires de commerce, qu'il s'agit seulement d'une recommandation du "Lloyd's List", le plus vieux quotidien britannique créé en 1734, considéré comme le pouls du commerce maritime, au prétexte qu' "un navire est un produit comme un autre, une sorte d'immobilier marin, Que le commerce maritime doit évoluer en cette ère de mondialisation au risque de rester à la traîne du monde des affaires, Que le féminin s'applique peut-être, à un bateau de croisière étincelant, pas à un pétrolier, à un car-ferry ou à un porte-conteneurs, sans parler des cargos rouillés…"
cette argumentation a le soutien des organisations féministes et du ministère des transports.
L'autre
camp, dont un des porte-parole est Peter van der Merwe responsable des
publications du National Maritime Museum,
mobilise les défenseurs de la tradition maritime et dénonce ":
cette trahison de l'amour de l'anglais familier… La culture est une question de
continuité et de tradition. Il faut préserver ces excentricités inexplicables.
Ce n'est pas un problème de sentimentalité, mais d'héritage."
et de s'inquiéter :
"les équipages prenaient grand soin des
navires assimilés à une femme. Vont-ils avoir la même affection pour un morceau
de bois asexué ?"…et dernier argument :
" Le féminin permettait par ailleurs,
d'atténuer les noms guerriers dont sont affublés les navires et les sous-marins
de sa Majesté"...
La Royal Navy n'entendait pas en 2003 suivre les recommandations du" Lloyd's List", la plupart des armateurs, agents ou avocats non plus, et personne ne sait comment le Lloyd's of London (marché londonien de l'assurance et de la ré-assurance) va pour sa part se débrouiller pour rester à l'écart d'un dossier qu'un porte-parole juge "pourri".
En FRANCE nous sommes hésitants, c'est selon…
Jusqu'au XXème siècle, l'usage accordait le genre de l'article à celui du nom du bateau : le Neptune, la Méduse (surtout connue pour son radeau par GERICAULT de nos jours), mais à partir de 1910, un article masculin précède le nom féminin des navires de commerce, ceux par qui le scandale est arrivé chez nous aussi… Chez nous aussi, l'Académie française (en 1933) et l'Académie de marine (en 1935) ont condamné cette innovation grammaticale. En outre, deux circulaires ministérielles ont prescrit elles aussi l'accord entre l'article et le nom de baptême, en vain, la masculinisation des bâtiments de la flotte de commerce a triomphé.
Ce qu'il est intéressant de remarquer c'est que c'est à l'apparition et à la diffusion grandissante des bateaux à moteur que le changement de genre s'est effectué, c'est LE MOTEUR qui a fait émerger LE MASCULIN…
Aussi mythiques que soient les cargos et les paquebots, ex LE France… LE Normandie… un voilier et un navire à vapeur sont distingués dans leur essence au sein des représentations, qui féminin, qui masculin.
Les voiliers peuvent osciller d'un genre à l'autre, les navires à moteur sont totalement masculins. (travaux de recherche de Michel Mollat du Jourdain historien de la marine.)
Rigolo non?
Les marins ne le voulaient point, point barre….
Toutes ces considérations ne changent pas le problème, jusqu'au début du XXème pour monter à bord des navires de commerce ou de guerre, les femmes, déclarées persona non grata, devaient se travestir …
Monter à bord ne veut pas obligatoirement dire naviguer mais monter à bord tout simplement genre apporter un petit pot de beurre et une galette et ranger les chaussettes de son mari qui va appareiller et naviguer pendant plusieurs mois…
L'argument des anciens règlements de l'échevinage (jusqu'en 1789 donc)… qui l’interdisait était : "attendu qu'elle accable l'équipage de ses criailleries…" en voilà un bon argument! exception faite pour une petite poignée d'épouses de cap-horniers français… qui devaient être, elles, au fait du langage des sourds-muets?…
Après 1789, rien de changé dans les faits, la longue tradition est implacable…dur, dur dans la marine et pour tout le monde quand on sait que les châtiments corporels (dernier bastion) n’y seront plus admis (légalement) à partir de 1848 grâce à ARAGO ministre de marine et des colonies et cela aurait à voir avec l’abolition de l’esclavage… ? oui, le même décret, le même jour et on n’est pas fier du tout.
On connaît seulement trois femmes irlandaises, une anglaise et une canadienne, qui ont eut une carrière hors du commun en tant que marin…..
Les matelotes.
Pour les femmes toujours le même scénario : 1- travestissement, 2- marin sur les navires du roi, 3- pirate en fin de carrière.
En
bateau la femme va mâle !
Grace O'MALLEY (1530-1603) irlandaise fille unique d'un capitaine de navire, a manifesté très jeune son amour de la mer en accompagnant son père. Physique et manières de garçon manqué, cheveux coupés très courts, coiffure scandaleuse à son époque… Son premier exploit a été lors d'une bataille contre les anglais de désobéir à un ordre de son père qui la voulait ailleurs que sur le pont, résultat, au lieu de descendre dans la cale, elle a sauté sur le château arrière et provoqué la diversion qui a renversé l'issue de la bataille.
Mariée à 15 ans malgré ses cheveux courts, deux enfants, et puis veuve, elle devient pirate pour gagner sa vie.
Remariage, re-maternité à 37 ans et là où l'exploit est totalement irréalisable pour un homme, le lendemain de son accouchement en mer… son bateau ayant été attaqué par des pirates algériens, elle a dû monter sur le pont pour diriger la riposte, jouer des pistolets et au final remporter la bataille…
Mary READ, irlandaise elle aussi, avait grandi en pantalon sous un prénom masculin et sur l'incitation de sa mère. Habituée à cette situation, elle s'engagea d'abord dans l'armée comme soldat et ensuite comme marin dans la marine. Lors d'un voyage aux Antilles son bateau est attaqué par des pirates, la bataille est perdue, faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Mary change de bord, et la voilà maintenant pirate sur le "Jolly Roger" bateau de Rackham le Rouge. Là je ne donnerai pas les détails mais elle lui donne son cœur, tout en jurant et crachant avec les autres matelots comme si de rien n'était et à part les deux personnes concernées personne ne s'aperçut de rien. Insatisfaite? elle en pince pour un charmant mousse et c'est là où l'histoire devient plus intéressante. Il s'avère que le charmant mousse est une femme elle aussi et irlandaise de surcroît c'est Ann BONNY. Et à part les protagonistes, une nouvelle fois, personne ne se doute de rien, toutes les deux jurant et crachant avec les autres matelots comme si de rien n'était.. Elles sont actives, ne laissent pas leur part au chat lors des attaques et elles sont toutes les deux lieutenants à bord. Quoi qu'on fasse il arrive un jour où on trouve plus fort que soit. Le jour est arrivé en 1720 contre un bateau anglais, ce jour là elles se sont battues d'une manière héroïque, elles ont été les deux dernières à se rendre, après avoir stimulé d'une manière spéciale l'équipage... en demandant aux hommes, aux vrais hommes comme elles, de les rejoindre sur le pont, comme personne n'est venu, elles ont tiré dans « le tas »… faisant des blessés et des morts parmi leurs compagnons. Emprisonnées, condamnées à mort comme marin avec les autres marins, eh bien en voilà deux dégourdies qui ont chacune prétendu entamer une grossesse en prison et qui ont par ce fait échappé à la mort..
Libérées, elles n’ont plus fait parler d’elles… On pouvait les voir représentées, le couteau entre les dents… comme sorties d'une bande dessinée à Paris en 2002 au Musée de le Marine lors de l'exposition "Pirates et Flibustiers des Caraïbes".
Une anglaise Charlotte de BERRY née en 1636 s'engage dans la Royal Navy en compagnie de son mari et déguisée en homme navigue… très au goût du capitaine… Celui-ci la viole… ce n’était pas son genre d’ester en justice… alors, elle fomente une mutinerie, tranche elle-même la tête de son violeur et devient par ce fait vengeur, capitaine-pirate du navire qu'elle fait naviguer sur les côtes d'Afrique, et son mari ? bonne question !..
Une seule française du Canada dans l'Histoire des pirates à cette époque là, c'est Anne DIEU LE VEUT, et pas commode non plus la fille, un caractère bien trempé qui lui donne son surnom… Elle évoluait en 1704 aux environs de l'île de la Tortue. elle faisait donc plutôt dans le genre flibustier la demoiselle.
Une vendéenne, Jeanne de Belleville se fit corsaire en…1343…pour se venger du roi de France. Propriétaire de l’île d’Yeu de 1320 à 1328, mariée à Olivier de Clisson, celui-ci accusé d’espionnage par le roi au profit des anglais, est décapité en 1343 et Jeanne de Belleville est bannie du royaume comme complice de son mari. Après avoir vendu ses bijoux et ses meubles pour équiper ses navires, elle sillonna les mers en vrai professionnelle, montant elle-même à l’abordage et massacrant les équipages… français.
Aucune carrière exceptionnelle de marin travesti en ce qui concerne la pêche côtière parce que marin en jupon, ce n'était pas interdit, c’était particulier, surtout grâce à Monsieur COLBERT et à ses Ordonnances.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Inscription_maritime
Par exemple en temps de guerre les femmes étaient matelotes par la force des choses…elles suppléaient les matelots emprisonnés ou mobilisés …mais incognito si l’on peut dire car elles n'étaient pas inscrites sur les rôles des navires avec les matelots avec qui elles partageaient les tâches, elles étaient inscrites au dos du rôle avec les mousses.
Les femmes et les enfants d’accord… les hommes d'abord…
Dans le meilleur des cas (quand elles n’étaient pas veuves…) elles pouvaient de même que les très jeunes mousses, embarquer sur le bateau d'un mari, d’un père, d’un frère ou d'un oncle et rester ainsi dans la famille… sans pour autant être portées sur le rôle d'équipage, ni à l’envers ni à l’endroit.
Et c'étaient pas seulement les brunes qui comptaient pour des prunes...
L'ordonnance
du 19/04/1670 … « les mousses embarquent pour la première fois à
l'âge de 12 ans », pire,
… n'était même pas respectée, nombre d'entre eux embarquaient d'une façon informelle, beaucoup plus tôt et nombre de femmes aussi, évidemment…
Nous connaissons quelques cas de femmes enregistrées dès 1809 par l'Administration de la Marine de Calais rapportés par l'historien Christian Borde dont Françoise Benoit qui embarquait avec son frère.
C'est dans le Morbihan quartier maritime Vannes et Auray où elles ont été les plus nombreuses sur des bateaux armés pour la pêche ou le commerce.
En 1874 on y connaît 481 femmes pêcheuses et sur ces 481, 454 avaient un lien familial avait le patron pêcheur, c'était un proche parent père ou mari, et toujours pas inscrites maritimes les dames, le statut n'existait toujours pas.
Il faudra attendre 1902-1903 pour que les
Affaires maritimes et le Ministère de la marine acceptent que les patrons de
pêche embarquent des femmes, lesquelles peuvent désormais figurer sur les rôles
d'équipage du même côté que les autres travailleurs de la mer et bénéficier
comme eux, d’un salaire, de la sécurité sociale et de la retraite, qui ont
existé très tôt grâce à Monsieur Colbert et à son Ordonnance...
http://www.netmarine.net/guides/genealog/
Il était temps, la guerre de 14-18 se profilait à l'horizon et on allait avoir besoin d'elles.
Certaines ont mérité de la patrie… Rose HERE s'est illustrée à OUESSANT le 22 novembre 1903, elle a sauvé 14 marins de l'équipage du Vesper échoué sur la pointe Pern.
Elle les voyaient ballottés dans leur chaloupe, cherchant à se frayer un chemin à travers les récifs.
Elle était du coin. Connaissant le danger qu'encouraient ces hommes, elle était descendu sur la grève, avait réussi à saisir un bout lancé de la chaloupe, grâce auquel elle avait pu, tirée dans les courants, submergée par les vagues, suffocant souvent, buvant la tasse sans se soucier de sa coiffure et sans lâcher le bout, se hisser dans l'embarcation. Une fois à bord, sans refaire son maquillage, parce qu’elle connaissait tous les écueils, elle avait guidé les marins désemparés jusqu'à un endroit où ils furent enfin hors de danger : la cale de Pen Ar Roch…
Voilà une héroïne qui a mérité sa médaille d'or en Mai 1904 épinglée sur sa poitrine dans le grand amphithéâtre de la Sorbonne par le vice-amiral Duperré (les mains d’un VICE-amiral sur une poitrine de femme… messieurs.. ! Pour l’honneur de la Rose-Hère … un amiral sans vice se devait d’être requis!)
Et la littérature de l'époque a souvent mis en scène des héroïnes de mer… héroïnes d’un jour ou héroïnes toujours, dans les feuilletons publiés par les journaux. Les veuves vertueuses avaient la cote surtout, les jeunes veuves étaient les plus appréciées… les jeunes veuves de tous les marins et tous les capitaines partis joyeux pour des courses lointaines encore plus…
Aux Sables d'Olonne aussi des femmes (mais dans une moindre mesure) embarquaient pour la pêche à la sardine, pêche à la journée mais pas forcément de tout repos. Sur mer l'imprévisible est de règle, et les Anglais pouvaient attaquer même en temps de paix. Les noms cités le sont à propos de catastrophe et autre naufrage rapportés :
*** en 1744, un corsaire anglais s'empara d'un bâtiment en lequel aient embarqué plusieurs femmes, qui se sauvèrent à terre avec le canot et avec l'équipage, incident rapporté par Collinet dans son journal.
*** en 1761, 3 chaloupes furent arrêtées par une corvette anglaise à "La Barge", facile l'autre arborait un pavillon français, résultat nous savons grâce à cela que les équipages se composaient de 7 hommes, 2 femmes, "des vieillards et "des"enfants…
Un autre moyen de savoir, la nécrologie et les registres paroissiaux…
***Le 22 août 1847 le canot sardinier Le Chaumois fait naufrage au large des Sables avec son patron Pierre-Jacques Rivière et sa femme Clorinne Gautreau… (rapporté par H. Retureau.)
En 2004 le poids de la tradition est toujours un frein sournois au choix du métier de marin-pêcheur par les femmes.
C’est Gaëlle MALTRET mariée, 3 enfants, marin-pêcheur au Guilvinec et responsable du comité local des pêches.
Une émission de France-Culture (2004) a traité du travail des pêcheurs et à ce titre elle a parlé longtemps de son métier.
Elle a participé à la journée du Sénat du Livre d’Histoire consacrée le 12 juin 2004 à l’histoire des femmes et elle a pris la parole dans l’hémicycle :
« Foncez les filles. Les lois nous donnent des libertés, il faut oser les prendre ! »
et elle a sa photo dans ELLE… daté du 21 juin 2004.
La première femme qui a vaincu Colbert, est Sonia BORODEWSKI qui utilisa un biais que Colbert n’anticipa pas et pour cause, elle obtint de se faire inscrire sur les rôles d’équipage non comme marin mais comme mécanicien de la marine… à partir de là il y eu jurisprudence…etc et ce qu’il est cocasse de remarquer c’est que le dernier bateau de Sonia BORODEWSKI s’appela le Tantaé qui est le raccourci de la phrase latine « et tant il est difficile de vaincre… »comme chacune sait.
Après elle, quelques autres si peu nombreuses et si incongrues qu’elles sont héroïnes de documentaire comme :
Sylvie FRELAUT une femme marin pêcheur dans « contre vents et marées » de Christian Legale au Festival Etonnants voyageurs à Saint-Malo le 4/07/04.
Béatrice ELISSADE et Anne-Marie VERGES au quartier maritime de Boulogne.
Scarlett LE CORRE seule en mer depuis 20 ans au large du Guilvinec qui au Stand Bretagne du salon de l’agriculture 2003 présentait son chocolat aux algues (du wacamé qu’elle cultive en milieu naturel ) interviewée elle racontait que faire sa place parmi les autres pêcheurs même si cela n’était pas facile, n’avait rien à voir avec le fait d’affronter les femmes des pêcheurs. Ses plus féroces détracteurs ont été les femmes « certaines trouvaient cela scandaleux, elles me disaient que je prenais la place d’un homme, que je volais leur pain… » mieux que de se faire admettre elle réussit à fédérer les marins des différentes côtes qui ne s’aiment guère, pour faire entendre la voix des professionnels de la « petite pêche » celle qui emploie 70% des marins mais ne représente que 6% de la production, grâce à quoi le label « pêche de ligne » s’est imposé… Merci Scarlett.
Aux Sables d’Olonne en 2004, une femme marin pêcheur sur le Soleil Levant, elle pratique la petite pêche en compagnie de son mari.
A la belle époque de la pêche à la morue, des femmes étaient embarquées non pour la partie de pêche mais pour le traitement à Terre Neuve, Saint Pierre et Miquelon et ailleurs, des prises pour leur séchage et leur salage.
Il existait deux types de pêche à la morue :
- la pêche sédentaire, ce système se pratiquait sur de petites chaloupes qui tous les jours apportaient la manne à une base à terre ou elle était traitée et c'est à cet endroit que les femmes intervenaient… pour apprêter la morue sèche.
- la pêche errante, à ce moment-là la morue était pêchée, salée et traitée à bord. Le navire ne touchait pas terre avant la fin de la campagne, et les matelots n'avaient pas besoin des femmes pour apprêter la morue verte.
Les Sables d'Olonne était spécialisé dans la morue verte, donc les femmes sablaises n'ont pas fait les campagnes morutières comme à Boulogne, les femmes boulonnaises…
Vers quel métier se diriger quand celui de marin vous ferme ses portes? mais non… c'est une blague!
Les mains de la mer.
Elles faisaient pêcheuses de vers, c'était les verrotières, les traqueuses d'arénicoles, ces bestioles qui s'enfouissent profondément dans le sable. Une spécialité qui demande de la méticulosité afin d'attraper l'arénicole dans son entier, et un solide coup de pelle afin de la traquer dans les profondeurs, un vrai travail de terrassement qui s'effectue à marée basse en une demi-heure pas plus, juste le temps de remplir ses deux seaux d'appât et de se casser les reins.
Et c'était le début de l'agonie pour les arénicoles, chaque bestiole était empalée sur un hameçon en compagnie des ses nombreux congénères je dis nombreux, car il y avait de 800 à 1000 hameçons à armer par "corde", ces lignes de fond longues de centaines de mètres bien moins onéreuses que les filets mais demandant beaucoup de temps et beaucoup d'entretien… et qui passait toute la journée à amorcer la corde? D'accord elle était assise, c'était bien du côté des reins, moins bien du côté des piqûres septiques et surtout c'était une spécialité qui obligeait à une grande rigueur pour lover des hectomètres avec hameçons de façon à ce qu'ils puissent être immergés sans s'entortiller ni s’accrocher.
Elles ne voulaient pas amorcer les cordes? pas grave, elles confectionneront des filets à la main, des filets de chanvre, et voir plus haut, le rouissage... Jusqu'en 1850 par-là c'était le travail d'innombrables femmes, travailler ce chanvre bien rêche avec leurs jolies petites mains, faire de jolis petits nœuds pour prendre de jolis poissons… et d'ailleurs au retour de la pêche le "démaillage" c'est à dire l'art de retirer les poissons coincés dans les mailles leur incombait également. C’est ce qui se passait lors de la pêche à la sardine. Les sardines étaient prises par les ouies dans les mailles du filet droit appelé manet.
A partir de 1850 les filets de coton mécaniques remplaceront les filets de chanvre manuels parce qu'ils coûteront 12 fois moins cher…
Chaque métier à vapeur accomplissait le travail de 350 ouvrières !.
Ces dames ne seront pas au chômage pour cela. D'abord certaines seront embauchées pour vérifier les imperfections de la machine et y remédier. D'autres sous la surveillance d'une contredame, procèderont aux réparations, le filet accroché à un taquet, elles alignées face aux fenêtres du grenier dans une bonne atmosphère de poisson suri et de goudron… tout en chantant pour ne pas se désespérer d'accomplir un si monotone ouvrage, des nœuds, rien que des nœuds, toujours des nœuds et des cantiques pour se donner du courage!
Aux Sables d'Olonne elles font des nœuds aussi et cela en devient une telle spécialité qu'un groupe folklorique incontournable "Le Nouch " promène le mot en patois dans le monde entier.
- Que faisiez-vous au temps chaud ?
- Je chantais, et je dansais avec ma coiffe et mes beaux sabots ;
- Eh bien faites des nœuds maintenant….
Cela s'appelle ramender ou ravauder les filets.
Les filets il en existait de toutes les façons, pour différentes pratiques de pêche, mais qu'importe les formes ils réclament tous le même soin :
lavage à l'eau douce, séchage et réparation éventuellement.
Voilà le travail des ramendeuses dans tous les ports de France sauf aux Sables d'Olonne où c'est le travail des tapineuses.
Afin de lever toute ambiguïté il faut préciser ce qu'est le tapin, qui n'est pas forcement ce que l’on croit qu'il est, mais qui de toutes évidences, a à voir avec l'art d'apprêter les nœuds…
Le tapin, tel
que le décrit Georges Guicheteau pêcheur à La Chaume en 1920 est effectué
dehors, par une femme, laquelle est
assise sur une chaise basse, pieds nus, les orteils enfilés dans les mailles
d'un filet de pêche bien tiré sur ses genoux. Le tapin consiste à réparer au fur et à mesure qu'elle les
repère, les trous du filet. Elle officie au milieu de ses consœurs et est payée
en nature… (une cotriade de sardines tous les jours, plus ¼ de part, comme
un mousse) ou à la réparation.
On ne sait pas à qui l’on doit cette spécificité lexicale locale : « tapineuse », d'un glissement sémantique et d'un l'esprit frondeur… certainement.
Ces dames travaillant dans le poisson ont toujours eu la réputation d'être un peu vulgaires.
Et cette qualité a fait le grand succès de l'opéra comique de Charles Lecocq – 1872 – La fille de Madame ANGOT
"… très jolie,
peu polie,
possédant un gros magot,
pas bégueule,
forte en gueule,
telle était Madame ANGOT…" et poissarde de son état donc.
Provocatrices les poissonnières sablaises, certainement, mais le chef d'œuvre de la cuistrerie revient à Georges CLEMENCEAU, qui au cours d'un dialogue à la poissonnerie les interpellait Perle par-ci, Diamant par-là… et lorsque Perle et Diamant lui demandèrent des explications, ce grand homme de gauche, né en Vendée, à la carrière politique exemplaire, surnommé le Tigre et le Père la Victoire, animé d'une volonté indomptable, redouté pour son esprit caustique et sa verve cynique, leur a fait la réponse suivante :
"Eh bien ma chère… le diamant se monte alors que la perle s'enfile !" (rapporté par H. Retureau)
Ce n'était pas la peine de faire obscène, les sablaises, ça blaisent pas plus qu'ailleurs…
C'est le même qui, le 12 janvier 1898, trouva le titre du fameux article de Zola destiné à faire tant de bruit : J'accuse…
Et moi aussi, d'ailleurs car même replacée dans l'esprit misogyne de l'époque je ne suis pas sûre qu'elle soit drôle la plaisanterie,
en réalité, ça blèse énormément !
Et de fil en aiguille il n'y a que le premier point qui compte, les tapineuses sachant manier les fils de pêche avec dextérité ont fait aussi dans la dentelle au moment de la grande crise sardinière au début du XXème.
L'histoire a commencé en Bretagne, plus de sardines, plus besoin de filet de pêche, la misère et un savoir-faire inutile. Les dames pieuses de la bourgeoisie bretonne ont eu l'idée de faire venir d'Irlande une monitrice afin d'enseigner la dentelle à Groix (l'île-Tudy) et de réussir une reconversion...
Reconversion
à l'exemple de celles des paysannes irlandaises, réussie 50 ans plus tôt lors
de la maladie des pommes de terre et de la grande famine qui avait suivie.
Cela a marché, un artisanat est né et la pratique s'est propagée aux autres ports de la région et un peu plus loin, et cette activité annexe de la pêche a apporté un complément de revenu dans les familles. Aux Sables d'Olonne aussi les tapineuses ont fabriqué des napperons au crochet pendant un certain temps, mais la production n'a pas bénéficié d'un encadrement créatif et le napperon est lui-même devenu ringard… Et dans les années 1970, la mode du macramé n'a déclenché aucune vocation pour une production locale nouvelle…
Mais quand c'étaient les beaux jours de la pêche à la sardine il n'y avait aucun jour de chômé et toutes les heures de ces dames étaient occupées.
ça commençait avec les haleuses? non je ne me trompe pas le mot commence par un H… cette obligation de haler les bateaux de pêche pour les sortir ou les faire entrer dans le port lorsque le vent était insignifiant. Cette obligation en a fait des cartes postales si typiques! quel ensemble dans le mouvement, quelle sobriété dans l'équipement : une corde de chanvre (encore !) tout simplement, le genre bien rêche qui brûle les mains et meurtrit les épaules, et toutes ensemble comme un bon petit cheval on fait progresser le bateau dans le chenal.
La manœuvre était dirigée par le maître haleur, c'est à un vieux capitaine de navire que revenait cette charge.
Et que gagne-t-on à faire ce travail de cheval ? Quelques pièces et le droit d'être sur la photo avec son cotillon et ses beaux sabots …
Arrivées trop tard, le bateau au port, elles pouvaient faire brosseuse de bateau, c'était le travail de Désirée Chauvet à La Chaume (rapporté par H. Retureau )
Et ensuite de toutes façons, vendre la pêche de leur mari, c'étaient les poissonnières à ce moment là.
Dans d'autres régions – sans port abrité – ce n'était pas mieux pour les femmes, les bateaux devaient impérativement s'échouer sur la plage, à faible pente quand même la plage, et suivant la même technique de toutes ensemble tirons sur la corde de chanvre quand il s'agissait d'une plage de sable, Berck, Wissant. Sur les plages de galets, Etretat, l'échouage se faisait avec un cabestan à bras… Et les bras de qui ? les bras des femmes voyons puisque les hommes sont dans le bateau.
L'historien Jules Michelet témoin à plusieurs reprises à Etretat de la pénibilité de la tâche a fait la description de la manœuvre en 1860 :
" La
lourde barque, en montant, heurte de galet en galet, d'obstacle en obstacle, et
ne le franchit que par saut. Chaque saut et chaque secousse retentit à ces
poitrines de femmes, et ce n'est point une figure de dire que ce retour si dur
se fait sur leur chair froissée, sur leur sein, leur propre cœur…"
mais là où cela commence à faire beaucoup pour de la compassion… il continue :
"Mais, chaque jour… Je venais, je regardais. Ces jeunes et charmantes filles (rarement jolies mais charmantes) n'avaient point le court jupon rouge de l'ancien costume des côtes, mais de longues robes…" circule Jules, il n'y a rien à voir.
Le halage ce n'est qu'un début. Imaginons un retour de pêche avec l'une ou l'autre des spécialités sablaises, sardines ou thon…
Les poissons vont être appréciés par l'acheteuse (encore une spécificité sablaise partout ailleurs elles seront appelées commises) s’il s'agit de sardines. C'est une fine connaisseuse mandatée par le patron de la conserverie et qui achète en son nom, elle fait le prix et en route pour la conserverie.
C'est la senteuse qui apprécie les thons. Ce n'est pas une pêche à la journée comme la pêche à la sardine et malgré les précautions prises par les pêcheurs, chaque thon est suspendu par la queue aux bois de séchage sur le pont… eh bien justement le pont en cas de pluie, d'orage, de soleil ce n'est pas terrible comme protection et le thon a vite fait de se corrompre. Il y a bien quelques petites astuces de camouflage, mais bon, le thon germon c'est le thon blanc il ne faut pas qu'il soit d'une autre couleur… alors voir, palper, renifler, voilà le travail de la senteuse? même chose elle a carte blanche pour les achats de la conserverie.
Evolution de la pêche au thon :
C’est en 1930 et pas avant et grâce aux femmes que les thons pêchés n’ont plus été suspendus par la queue sur le pont mais conservés en glacière. Le poids de la tradition faisait refuser cette possibilité aux pêcheurs, au prétexte que la chair de cet animal était tellement fine qu’elle ne supporterait pas la glace. Ce sont des femmes qui ont dû prouver que le thon ne tournait pas dans la glace. Hermine de Saussure et Marion Senones ont embarqué avec un équipage féminin et quelques pêcheurs de Groix sur un bateau armé par l’armateur TRISTAN et grâce à cette démonstration, on a bien vu que les thons se comportaient convenablement en glacière.
Les thoniers ont été équipés en glacière avant d’être équipés d’un moteur parce que les exhalaisons du moteur allaient faire tourner les thons qui ont la chair si fragile… on connaît la chanson… et le poids de la tradition.
Dans d'autres ports où les prises sont autres ce sont d'autres métiers.
Voilà ce que cela donne, pour le hareng, à Boulogne par exemple
Les poissons sont débarqués, mis dans une charrette, la baladeuse tirée poussée par une femme et un marin retraité… et à la vente, retour au quai chargement, et à la vente et ainsi de suite jusqu'à épuisement… mais non de la cargaison…
A Dieppe c'est autrement ce sont les hotteuses ou hottières qui font la livraison à l'entrepôt de l'acheteur.
Voilà comment cela se passe :
Chacune porte sur le dos une grande hotte avec bretelles et attend son tour dans la file. Quand c'est son tour :
"la
hotteuse baisse la tête, la première mesure est versée dans la hotte, quelques
poissons s'échappent, tombant dans le cou, sur les cheveux de la femme. Son
chargement complet, elle part courbée, un peu chancelante vers le magasin. D'un
coup d'épaule, elle déverse ses harengs dans une immense cuve, une autre la
suit, la chaîne ne s'interrompt pas."
rapporté par Eric Tavernier dans "La pêche au Pollet"
Une remarque :
- il ne fallait pas être chatouilleuse pour faire le métier.
Facétieux les
harengs non ? Ils étaient 300 à 400 dans la hotte pour un poids avoisinant les
40 kg , les coquins!
http://www.saveurs.sympatico.ca/ency_7/hareng.htm
Dans le pays bigouden les femmes de marin étaient carrément débardeuses puisqu'il n'y avait pas l'alibi du poisson… et qu'elles chargeaient les navires de commerce avec des sacs de pomme de terre (50 kg) direction la Grande Bretagne.
Les autres femmes, les faibles femmes, sont embauchées dans les saurisseries.
Les saurisseries traitent les harengs qui sont apprêtés de deux manières : salaison et saurissage.
- Salaison : comme harengs blancs, à ce moment-là, dans de grands hangars humides ouverts à tous les vents, les ouvrières trient des monceaux de poissons par taille, par catégorie, les lavent, les salent et les mettent dans des barriques avec du gros sel encore. Le travail s'accomplit dans le froid et ce ne sont ni les rasades de café brûlant ni la chaleur de l'amitié, qui apportent un grand confort. Ce travail demande donc une bonne résistance.
- Saurissage : comme harengs saurs à ce moment là il faut aux ouvrières une qualité supplémentaire qui est l'agilité pour pratiquer le fumage.
Le hareng après avoir subi les préparations précédentes est adroitement embroché par les ouies sur des baguettes de bois (12 par baguette) ça c'est facile, là où cela devient un travail de père-Noël c'est lorsqu'il faut aller suspendre les "brochettes" dans le conduit de la cheminée, une haute cheminée en brique construite à cet usage… Et les saurisseuses acrobates en plus, garnissaient les cheminées de fumage jusqu'en haut bien sûr. Quand tout était bien rempli, elles mettaient le feu aux fagots, enfin elles pouvaient alors se chauffer un peu et une bonne odeur de hareng envahissait les villes de Dunkerque, Berk, Dieppe, Fécamp…
Le parfum du hareng saur n'a pas flotté sur la ville des Sables d'Olonne.
Sa participation aux campagnes de pêche aux harengs consistait à fournir le sel de transformation, travail des saunières, bien qu'on en ait pêché quelquefois dans les coureaux de l'île de RE..
Saunières aux Sables d'Olonne ce n'était pas une sinécure… l’hiver sous la pluie elles chargeaient le sel exporté dans la Baltique et toute la journée au plus fort de l'été, elles chargeaient d’autres navires. C'était une noria incessante entre les marais et le lieu de chargement et sans brouette… tout sur le dos… Elles étaient exposées à un soleil ardent, les yeux brûlés par la réverbération et l'éclatant scintillement des cristaux de sel, sans aucune ombre pour se reposer, sinon l'abri du chapeau, le corps ruisselant de sueur, égratignées par l'osier des paniers et la griffure du sel, mal protégées par une méchante toile de sac posée sur l'épaule, pieds nus ou dans des sabots bourrés de paille… mais bon elles n'étaient pas seules à faire les trajets d'approvisionnement, les enfants faisaient cela aussi, et quelques hommes, les recalés de la mer…
Saunières où que cela soit, c'était la même corvée, Ré, Bourgneuf, Noirmoutier…
Dans la rubrique toujours, les hommes à bord, les femmes sur le bord, elles étaient ouvrières des conserveries.
Aux Sables d'Olonne, elles mettaient les deux poissons fétiches, ceux qui ont fait la renommée du port au XIXème, la sardine et le thon, en boîte.
Avant les conserveries, existaient les presses où les sardines étaient préparées dans la saumure à la manières des anchois du midi et c’étaient les femmes cela va sans dire et encore mieux en le disant qui s’occupaient de la préparation.
Les friteries, fritures, confiseries, fricasseries, premières appellations des conserveries, ont ouvert leurs portes à Nantes en 1824, et dans la décennie qui suivit les ports bretons et vendéens leur emboîteront le pas, si l’on peut dire ça comme ça...
Le métier demande les mêmes compétences que pour le hareng. Il s'agit d'effectuer tri, étêtage, vidage, salage, dans de grands hangars humides en courant d'air ce qui demande encore et toujours une bonne résistance au froid, de plus elles travaillent debout et des heures et des heures donc cette station demande un bon retour veineux… la sardine est très fragile , quand la pêche est bonne, des journées de 24 h d'affilée et même de 48 h ne sont pas exceptionnelles… Il faut donc une bonne résistance au sommeil. C'est bien simple, la seule obligation qui incombe… aux patrons… de cette activité saisonnière en 1920 c'est de limiter à 72 h le travail hebdomadaire.
Et l'ambiance dans ces conditions… joyeuse? pas joyeuse?
En plus des rasades de café brûlant pour se réchauffer (on peut dire que le café n'était pas forcément bu pur il était souvent amélioré d'une bonne ration d'eau de vie…) et ces dames pour ne pas s'endormir chantaient des cantiques, elles faisaient même swinguer les cantiques... ça dépendait du nombre de cafés… " Au moins pendant ce temps-là elles ne parlent pas. C'est bon pour faire avancer le travail… les sardinières, particulièrement sont d'excellentes chanteuses. Quoiqu'elles chantent d'ailleurs, félicitons-nous : dans le métier de friteuse, on ne chante que quand on travaille. Le chômage seul est silencieux. Des chansons à pleurer, des chansons gaies et tristes, des histoires de femmes, de filles séduites et abandonnées, de marins perdus en mer… " écrivait Charles Le Goffic qui était seulement écrivain, qui n’avait aucun intérêt financier dans aucune conserverie… et qui aurait dû faire un chorus avec les sardinières, juste une fois pour voir...
Ou rapporté par Yann de La Noët dans Une grande industrie française, la sardine à l'huile : "Les équipes nocturnes de l'étêtage ont coutume de chanter des cantiques ou de vagues complaintes pour ne pas dormir. Pendant les soirées d'août, les villes de Douarnenez et Tréboul deviennent d'immenses concerts cacophoniques."
Aux Sables d'Olonne la première conserverie date de 1832 installée par JUETTE, (le 3/08/1843 exemption d’octroi… octroyée… à l’huile d’olive employée dans ces dernières…) et en 1871 le rapport de la commission d’hygiène sur les usines à conserveries de poissons permet de faire un autre bilan :
A la Chaume,
cinq conserveries de sardines et de thon, Basset, Gigat, Tertrais et Cie,
Caillebote, Hervé et Vitel – l’usine Basset est l’une des mieux
disposées ; l’usine Caillebote est bien aménagée, mais il y a des modifications
à effectuer. Pour l’usine Hervé-Vitel, le pavage est négligé, le sol est
imprégné d’huile et de matières animales décomposées, qui donnent lieu à des
émanations putrides.
Aux Sables, trois usines : Pellier, Amieux Frères et Canaud-Amieux, l’état d’hygiène de ces deux dernières est bon ; l’usine Pellier déverse ses eaux usées sur le chemin de la tournée d’Olonne, ce qui cause l’insalubrité…
et 14 usines ont tourné jusqu'en 1965.
Je gage qu'aux Sables d'Olonne, les ouvrières, celles qui avaient la pêche… ne chantaient pas plus juste. La chorale Le Noura ( ainsi nommé en référence au Nouc’h (le nœud ) ce groupe folklorique qui fait danser au fond du golfe clair.. ? ) ne s'est créé qu'en 1969, alléluia..alléluia…à l'huile surtout pour les sardines...
Par ailleurs il serait faux de dire que dans les ports on ne chantait que dans les conserveries… les marins chantaient aussi dans les tavernes.
Ces dernières étaient tenues essentiellement par des femmes, celles qui n'étaient pas ouvrières des conserveries (les tenancières de buvette appartenaient à l'élite sociale du monde maritime).
Les tavernes étaient innombrables. Histoire de fidéliser la clientèle elles rendaient de multiples services divers et variés aux marins qui étaient dans leur taverne comme à la maison, en mieux, sans les gémissements de leurs épouses et les cris de leurs enfants… Donc, chaque équipage avait sa taverne attitrée, dans laquelle il entreposait même son matériel de pêche (dragues, filets, avirons, barils de rogue…) quand il était à terre, et c’est dans cet endroit qu’il passait tout son temps… entre amis, qu’il faisait sa cotriade, qu’il percevait ses gains et en dépensait la majeure partie...
…d'autres lieux, d'autres chansons et là seulement interprétées par des ténors et des barytons …. hi… c'est haut…Santia-ano… ou plus chaud et complètement alcoolo…
Un vrai problème l’alcoolisme des marins. Déjà avant d’embarquer, une ration d’eau de vie… en pêche après la remontée de chaque filet on boit, et n’importe quel jaja a dit l’autre pourvu qu’il fasse ses 12°5… quand on a fait une bonne pêche on boit, et quand en arrivant au port on vend sa pêche, on boit parce que la commise ou autre acheteuse donne de l’alcool en boni… qui doit être bu sur le champ… c’est la loi ! Il va sans dire que les mousses commencent leur apprentissage sur tous les fronts…
Aux Sables d’Olonne aussi, le quai est bordé de commerces et d’une multitude de débits de boisson : Favreau, Pinson, Blanvillain, Testamalle, Gautreau, Gageon, Roch… et les ruelles rejoignant les quais sont bien entendu tapissées d’enseignes de cafés et d’épiceries…
A partir de l’inventaire de la buvette sablaise de Rose Tesson effectué en 1886 : (rapporté par H. Retureau ), on peut extrapoler la qualité de l’ambiance…
"une grande table d'auberge, trois petites, quatre bancs et dix tabourets, un vieux comptoir, une pendule à œil de bœuf, un buffet avec étagères, 150 verres de toutes grandeurs, huit carafes, vingt moques, 38 litres de liqueur, 1930 litres de vin blanc, 1860 litres de vin rouge, 10 litres d'eau de vie, 30 litres de Vermouth, 15 litres de Cognac, 6 litres d'eau de Vichy".
Viv' le vieux vin ;
Refrain :
J'veux du vieux vin pour me r'mettre
car je r'connais qu'jai trop bu
de c'vitriol qui doit être
la caus que je m'sens foutu.
Chanson publiée dans L'ALMANACH DU MARIN BRETON premier numéro déc. 1899
Le vieux vin comme remède? pas seulement, 6 litres d'eau de vichy et les infusions aussi…
L'alcoolisme chez les marins faisait (fait) des ravages considérables.
A la fin du siècle dernier, un aristocrate humaniste déshérita ses enfants (il était protestant et cette pratique est cohérente avec l’éthique protestante) et investit sa fortune à combattre ce fléau.
D’une part il créa l’Almanach du marin breton, destiné à fournir aux marins un minimum de formation maritime grâce à de nombreuses informations pratiques, d’autre part il eut l'idée de permettre aux marins au port de se retrouver en toute fraternité dans des lieux accueillants, où on ne servirait pas d’alcool… les Abris du Marin (création 1899, statuts : favoriser dans l'esprit le plus désintéressé, les moyens d'améliorer l'état moral et matériel des marins pêcheurs, notamment en luttant contre l'alcoolisme ).
Le musée de la pêche de Concarneau a accueilli du 1/04 au 14/06/2004 une exposition inédite sur les Abris du Marin et son fondateur, Jacques de Thézac, qui prétendait en plus inculquer aux marins une éducation spirituelle, tant religieuse que morale. Il les voulait… tous aux abris… dont il recouvrait les murs de maximes moralisatrices du genre :
« il s’en est noyé dans les verres bien plus que dans les mers »
museedelapeche@wanadoo.fr
http://www.concar.net/concarneau/fr/museepeche/index.php3
Ce qui est cocasse c’est que chaque Abri était reconnaissable à la couleur de son crépi : ROSE, couleur emblématique… une manière optimiste de voir la vie du marin ou bien alors une manière poétique de caractériser la couleur de son foie… si rose…
"Prenez-moi bien chaude!" c'était la pub de l'hiver 1904 dans les Abris du Marin pour la boisson à la mode : une infusion sucrée d'eucalyptus.
On n’y croit pas et on n’est pas les seuls ! il est Incroyable, pour tout le monde le succès… de cette recette essayée par hasard.
En trois mois les marins en ont consommé 72036 tasses.
Un vrai tabac et au sens propre aussi car les feuilles qui n’étaient pas infusées étaient fumées ou chiquées…
On préparait cette boisson en versant de l'eau bouillante sur les feuilles pendant quelques minutes. Quatre feuilles suffisaient pour un litre. La tasse revenait à un ou deux centimes suivant la quantité de sucre qu'on y mettait. Toutes ces recommandations étaient précisées dans des circulaires émanant de la direction des Abris du Marin…
« Dans une marmite on peut en préparer
150 tasses d'un seul coup. Le goût est excellent et les pêcheurs éprouvés par les
rhumes ou les fièvres ont remarqué une amélioration rapide… grâce à ses
propriétés anti-septiques… »
Au départ pourtant, les sceptiques ne manquaient pas, dont Leslie Richardson :
"Je
crains fort que le pêcheur de Concarneau ne continue à préférer la buvette. A
Concarneau c'est l'habitude, c'est la mode d'être saoul. Le marin qui ne se
saoule pas est considéré comme un excentrique, un pauvre type en tous cas… il y
a quelque chose de chaleureux dans un verre d'eau-de-vie, même mauvaise, ou un
bol de cidre pris à une table, dans une maison que l'on a choisie, avec de
joyeux camarades chantant à tue-tête. Il est bien difficile de chanter en chœur
en buvant de la tisane d'eucalyptus"…
La nature humaine est bien connue pour son hédonisme… on a accusé les Abris d’être devenus rapidement des tripots (la mutation ne s’est pas faite par hasard dans tripot…il y a pot…) les marins perdaient alors leur argent aux cartes…
La lutte tous azimuts contre ce fléau a porté ses fruits maintenant les marins boivent beaucoup moins en mer, ils fument .. C’est un joint …entre travail et plaisir… diront encore une fois les hédonistes.
Car le travail n'est qu'une facette de la vie, l'autre étant le
plaisir, le tout rassemblé dans l’Art de la pêche... ?
Pêcheur d’opéra il n’y en a pas tant que cela.
- Chez Benjamin Britten, très fort, c’est Peter Grimes, qui pêche avec ses mousses successifs en 1880 , Angleterre côte Est. Il a vaguement une amie, veuve bien sûr et pendant une bonne partie de l’opéra, on entend le mi bémol du tuba évoquer la brume. Les mousses meurent les uns après les autres et à cause de cela Peter Grimes finira mal se sabordant dans le brouillard… Très gai.
- Chez Bizet, Les Pêcheurs de perles, très fort, à part dans le titre il n’est pas vraiment question de pêche. C’est une banale histoire d’amour entre un ténor et une soprano contrariée par un baryton comme d’habitude, qui se passe à Ceylan et là en dépit de toute attente c’est le baryton qui meurt…
Marin d’opéra il n’y en a pas tellement plus.
- Chez Benjamin Britten, très fort, c’est Billy Bud. Sur l’Indomptable en 1797 en route pour les îles Samoa… l’ambiance c’est : nous sommes tous perdus à jamais sur la mer immense, avec une fausse mutinerie et une vraie exécution. Pas une seule femme dans la distribution – très rare.
- Chez Wagner, c’est Le Vaisseau Fantôme. Un capitaine de navire hollandais avait voulu franchir le cap de Bonne Espérance malgré une tempête déchaînée et s’était juré d’y arriver dût-il naviguer éternellement. Entendant le serment le diable avait condamné le capitaine à naviguer jusqu’au jugement dernier sans espoir de rémission, à moins qu’il ne trouvât une femme pour l’aimer fidèlement jusqu’à la mort. Il était autorisé à accoster tous les 7 ans pour trouver cette femme. C’est là où l’opéra commence et où le metteur en scène va montrer tout son savoir faire pour nous suggérer la mer déchaînée, la mer calmée, les bateaux à quai et la scène finale surtout quand le hollandais sur son navire prend le large et qu’à ce moment-là l’héroïne se jette dans l’océan depuis une falaise en chantant :
« Gloire à ton ange et à sa loi !
Me voici, fidèle à toi jusqu’à la mort ! » Très fort.
Ou bien encore, Il y a 3 officiers de marine polyvalents, 2 célèbres surtout pour leurs compositions musicales, le troisième a contribué, pratiquement, au bonheur des marins, tout en cultivant son talent musical :
- Nicolas Rimsky-Korsakov (1844-1908) courte carrière dans la marine, riche inspiration dans la musique, œuvre considérable dont mélodies, musique de chambre et opéras, ceux qui sont le plus joués, Sadko, Le Coq d’or.
- Albert Roussel (1869-1937) carrière maritime plus longue, ensuite se consacre aux symphonies, aux concertos, aux ballets (Le Festin de l’araignée ) et aux opéras (Padmâvati ).
- Jean Cras, oui, oui, celui de la règle, si utile avant le GPS (1879-1932) lui réussit à mener les deux carrières de concert…
http://www.netmarine.net/tradi/celebres/cras/
En peinture par contre le sujet a donné :
Les Vues des Ports de France de Joseph Vernet commande de Louis XV, les toiles sont rassemblées dans une salle au musée de la Marine à Paris – trésor inestimable pour les historiens -
http://www.musee-marine.fr/index.
php?lg=fr&nav=463&flash=1
les Batailles de Horace
Vernet (musée de la Marine)
Les marines traités par les peintres romantiques tel Géricault sont impressionnantes de pathos…
Après c’est plus cool avec les impressionnistes, c’est la couleur des eaux, les reflets, les voiliers et le canotage et les guinguettes.
La preuve c’est le sujet de prédilection des peintres, Renoir, Seurat, Caillebotte avec un plus pour Caillebotte parce que quand il posait ses pinceaux il était yachtman, fin régatier, architecte naval, puisqu’en 1885 il remporta la première régate de l’histoire gagnée par un Finkeel (invention du quillard moderne – bulbe – à la mode américaine).
http://www.guinguette.org/peinture/bibliogra.html
www.musee-fournaise.com/fournaise/mf010201.asp
http://www.faisceau.com/georges_seurat.htm
http://www.insecula.com/musee/M0048.html
http://www.insecula.com/salle/MS01537.html
En littérature, cela donnera
surtout Pierre Loti
et en Poésie personne
n’égalera Victor Hugo
http://www.ifremer.fr/envlit/actualite/20020424.htm
Avant d’en arriver là il a fallu développer le concept plaisir de la navigation…
A la cour du roi Louis XIV pour le bon plaisir du roi et de ses invités, des bateaux évoluaient sur le grand canal, courtisans et courtisanes embarqués, pour des fêtes aquatiques. Le roi naviguait à Versailles et faisait construire ses bateaux en Angleterre..
On avait vu apparaître le concept « nautique » en Hollande, en 1580, lors de la parade organisée pour la réception de Guillaume d’Orange – une joyeuse entrée nautique sans autre objet que le plaisir des yeux, des oreilles et des narines grâce au délicat parfum de la poudre des canons qui étaient tirés à tout va… depuis les Iachts bataves.
« Iacht : mot anglois ou hollandois qui se prononce iac en françois. Le iacht anglois est un bâtiment à mâts et à voile propre pour aller sur mer, embéli d’apartements comodes et jolis par dehors et par dedans. »
spécifie Richelet dans son dictionnaire en 1718.
Le yatch des débuts était moins un bateau qu’un style avec surtout des sculptures, des peintures, des oriflammes, des étendards, un roi et des aristocrates qui voulaient s’amuser sur l’eau.
Conjointement , ces fêtes nautiques amènent un nouveau développement
- Sous forme de course d’une part comme celle organisée à Paris en 1613 pour célébrer la fin du deuil de d’Henri IV.
Cette
première compétition eut lieu entre des pêcheurs et des lamaneurs que les
organisateurs avaient fait venir de Caudebec sur les bateaux qu’ils utilisaient
quotidiennement ( ces professionnels de la mer étaient depuis toujours des
professionnels de la vitesse…en ce temps là il ne fallait pas perdre de temps
pour rentrer au port sous peine de perdre la pêche…les pains de glace
n’existaient pas, ou comme chaque pêcheur étaient aussi contrebandier, il
n’avait pas de temps à perdre non plus à ce titre.
Le lamaneur
qui est spécialiste des amarrages est toujours un spécialiste recherché.
Ville de Saint-Nazaire - ... Sur le port de Saint-Nazaire, ils sont 14 plus un responsable à exercer la fonction de lamaneur. Gaston Lebot est lamaneur depuis 1978. ...
http://www.mairie-saintnazaire.fr/archives/Lamanage.htm
La
recherche de la vitesse était une nécessité absolue et la marque de l’habileté
professionnelle.
- Sous forme de joute à partir de 1670 et en Méditerranée. Et là on a compris les jouteurs ne risquaient que le bain d’eau à la place du bain de sang et le pur-sang lui-même était remplacé par un canot à rame…
Et l’idée des bateaux de plaisir capables de faire de la vitesse a germé, puis aussi avec le temps la recherche des performances est sortie de son cantonnement, le prolétariat marin.
L’émergence de la noblesse d’argent a été un deuxième stimulant. Elle voulait s’amuser de la même manière que les aristocrates et multipliait les divertissements nautiques privés sur les étangs et les rivières.
Et que je défile comme à la parade et que je tire sur les avirons, et que je prenne le simulacre au sérieux et que je barre moi-même mon fier voilier, et que je m’habille en « uniforme aquatique » et que je gagne un prix aux régates comme un vulgaire manant…
Les bateaux étaient petits, à la fois pour des contraintes de construction (la colle à bois est une invention relativement tardive) et des contraintes de promiscuité (les gréements de cette période exigeaient un équipage très nombreux alors il fallait trouver un juste équilibre pour ne pas casser l’ambiance).
Les Anglais étaient les grands précurseurs de cette navigation de plaisir.
Qui se ressemble s’assemble. En 1815 (l’année et le mois de Waterloo) 42 personnes se réunirent à Londres dans une taverne et décidèrent de former LE yacht club et non UN… au sein duquel chacun serait entraîné à poursuivre ses recherches de vitesse sur mer. Et cela a marché, en 1826 lord Belfast qui en faisait partie avait un hobby, il mouillait son yacht en vue du port de Portsmouth et dès qu’un bateau de la Royal Navy se pointait à l’horizon, il le prenait en chasse pour le doubler… very funny !
Une émulation exista des 2 côtés de l’Atlantique, je répète, de l’Atlantique, le 30/07/1844 le New York Yacht Club fut fondé, et dans cet endroit aussi chaque membre chercha à inventer le meilleur bateau, le plus rapide et c’est en 1851 à COWES que anglais et américains s’affrontèrent sous les yeux de sa Gracieuse Majesté la reine Victoria… et c’est ce jour là que la célèbre phrase fut prononcée.
Rappel :
La reine : « qui est premier ? »
Le capitaine du yacht royal : « l’América »
La reine : « qui est second ? »
Le capitaine du yacht royal : « il n’y a pas de second ! »
Cette phrase apocryphe montre de toutes façons à quel point les anglais ont compris la portée de la victoire des yankees.
Sur mer, finie l’hégémonie anglaise ! Vive l’hégémonie yankee !
L’hégémonie sur mer et en occident, ça va, ça vient, d’abord les portugais, puis les hollandais, puis les anglais, puis les américains…
Et les anglaises ? Sans commentaires… comme ailleurs en Europe, en tant que femmes elles n’avaient pas à la « ramer ! »
Et puis d’abord, le yachting c’est une affaire d’homme, les femmes sont faites pour élever des enfants, c’est physiologique.
Et dans physiologique.. ? il y a logique !
Les femmes ont gagné leur galon d’amiral dans la navigation de plaisance grâce aux américaines.
Bon ces messieurs continuent de jouer au marin. En peine époque romantique, ils recherchent le grand frisson, l’épreuve de la tempête, la lutte dans les éléments déchaînés. Les voilà aventuriers du monde aquatique, rois des mers et des rivières, glorieux praticiens du Yatching et du canotage.
En France le canotage devint tellement populaire, qu’il en tomba dans le populeux avec ses canots de louage, ses tonnelles et ses chansons, ses guinguettes et son petit vin blanc… et comme il fallait s’y attendre dans ces endroits on s’encanailla et la tenue de canotage conventionnelle avec à sa tête le canotier, a jusqu’à aujourd’hui gardé une connotation coquine.
Et même, le port du canotier seul est symbole d’une certaine idée de la France. N’est-ce pas Maurice ?… Maurice Chevalier ne s’y est pas trompé lui qui a choisi dès l’âge de 12 ans cette coiffure à arborer sur le côté et sur sa po-o-omme…
On embarquait en couple dans le yole partagé en deux partie par une petite cloison, monsieur à l’avant en tenue légère, les biscottos et la poitrine avantageux ramait.
Mademoiselle à l’arrière dans sa belle jupe du dimanche, mollement alanguie sur son siège canné, laissait négligemment tremper sa main dans l’eau.
Le drame c’est quand plus que la main était immergé.
Très peu de monde savait nager et les femmes étaient handicapées dans l’exercice, à cause de leur longues et amples jupes et de leurs nombreux jupons. Ces vêtements étaient la cause de la noyade car ils s’entortillaient autour de leur jambes avec une efficacité redoutable, sans parler des corsets qui n’aidaient pas dans l’apnée.
Les pouvoirs publics ont été saisi de l’ampleur de la catastrophe– hécatombe de demoiselles en 1863 à Paris – hécatombe de mères potentielles – qui mettra au monde la chair à canon ? alors que la guerre de 1870 point, et que l’on entend juste de l’autre côté de la frontière, Bismarck dans une envolée lyrique, scander son refrain concernant les allemandes :
« Küche,
Kindern, Kirche ! » ce qui donne en français : la cuisine,
les enfants, l’église.
Alors la préfecture de Paris a pondu une ordonnance
qui interdisait formellement aux femmes de… non ce n’est pas ça du tout… qui interdisait formellement aux femmes « les warreys, randams, outriggers, phonets, yoles, skiffs, océans, youyous, périssoires et podoscaphes et autre engin susceptible de chavirer. »
Ben voyons !
Et le pire est à dire : elle n’a
toujours pas été abrogée.
Cette ordonnance a été retrouvée par Nicolas Guichet qui précise que son application ne semble pas avoir été très stricte… ce qui n’enlève rien à son caractère discriminatoire.
Ce n’était qu’une suite, les exclusions étaient déjà patentes … non, pas sexistes puisque madame était à la cuisine…
monsieur suivant l’endroit de navigation n’avait pas le choix des armes…
Sur lac et sur rivières pas de soucis les régates à rames et les régates à voiles sont organisées… En 1842 eu lieu la première régate à voiles pour amateur à Carrière-Charenton sur la Seine… (les régates de professionnels, depuis la régence de Marie de Médicis 1613, en France on s’en souvient).
En mer, c’est
différent, c’est surprenant, les premières courses de yachts en France furent
anglaises à Cherbourg en 1827, à Calais en 1836. Et c’est facile à
expliquer : jusqu’en 1850 les
marins plaisanciers français ne pouvaient posséder de yacht de mer. Cela
n’existait pas.
Tout bateau de mer devait être inscrit, soit à la pêche, soit à la grande pêche, soit au transport. C’était clair.
L’administration ne créa un rôle de plaisance qu’à cette date, suite à un procès que lui fit Auguste Pagelet en 1848. Ce capitaine à la retraite de Saint-Malo décida que son côtre servirait en plaisance un point c’est tout, pas question d’aller à la pêche avec ni de transporter quoi que ce soit avec et non et non et arrive que pourra.
Et de procès verbal jusqu’en en cours de cassation, il n’a jamais lâché le morceau, résultat grâce à son opiniâtreté la plaisance française a eu à cette date – 1850 – une identité légale.
Et ce n’est pas par hasard, qu’à partir de cette date aussi l’on assista à une explosion de sociétés nautiques en France grâce auxquelles les pavillons et les guidons flotteront à la pomme des mâts.
http://www.ycf-club.fr/HTML/histoire.htm
Et dans ces sociétés nautiques, le grand sujet débattu, rebattu c’est le sujet bateau, tout le monde y va de ses conseils…
http://www.sequana-normandie.com/regate/REGATES.html
et là une femme en bateau à voile parle aux femmes de 1931 :
L A V I E F É M I N I N E ....
EN BATEAU
Si vous
allez faire du bateau à voile, n'oubliez pas que cela n'est pas un jeu ; à
moins d'être résistante, calme, rebelle au mal de mer, capable de résister à
l'appel de la crise de nerfs dans les pires circonstances, restez à terre.
Il faut sur
un bateau se conduire en vrai matelot, respecter l'ordre absolu de toutes
choses et marcher pieds nus sur le pont car la netteté du pont sera sans aucun
doute infiniment plus chère au propriétaire de l'embarcation que le confort de
vos extrémités : ne songer pas à vous en offusquer.
Ne vous
mêlez point de la manoeuvre, à moins d'en être priée, mais offrez vos services
pour les soins ménagers, pour faire les lits et la cuisine. En cas de mauvais
temps, que votre bonne humeur, votre optimisme, votre fermeté soient
inaltérables. Si le calme plat vous empêche de couvrir la distance souhaitée,
si vous restez plusieurs jours en pleine mer et que les vivres commencent à se
faire rare, sachez mettre un frein à votre bon appétit. Dites-vous que ces
épreuves, ces travaux, cette endurance, cette patience constituent la meilleure
des écoles.
Rien de
meilleur, rien de plus énergique et de plus efficace pour nous guérir des
mièvreries, des poltronneries, pour donner de la personnalité à une jeune
fille, pour accentuer les traits positifs d'un caractère, d'un visage féminin.
Si vous avez l'occasion de partir en bateau, n'hésitez pas .... mais sachez
nager.
Là en 1931, on a bien compris, c’est la vie d’une pseudo-équipière et qui sait nager qui est évoquée et son cher papa est propriétaire du bateau certainement.
Sur le bateau, à condition qu’elle la ferme, et qu’elle y soit conviée, sa présence est tolérée. C’est bien le seul endroit où elle puisse être, si elle débarque, pas question d’aller prendre une douche au yacht club, ni une limonade au bar d’ailleurs.
Dans les yacht clubs on croisait pourtant des femmes et ce qu’il ne faut pas perdre de vue c’est qu’il existait 2 sortes de femmes :
- les créatures,
- les dames (qui ont été, fille de, épouse de, veuve de…)
et celles qui
appartenaient à la deuxième catégorie étaient interdites de club…
Interdites de club tout en étant propriétaire de bateau, comment est-ce possible ? Et là on ne rêve pas il s’agissait des américaines.
Elles se sont très tôt intéressées au yachting, ont possédé des bateaux et fait des courses. D’ailleurs la première régate de monotypes des USA en 1885 fut remporté par une femme mais damned… on lui offrit une broche en guise de trophée.
Pour avoir un trophée il fallait non seulement gagner mais aussi avoir une grosse paire de… moustaches.
Ces dames prenaient une part active dans les courses, tant et si bien que cela déplut à ces messieurs qui émirent des objections à leur participation même aux courses spécialement prévues pour elles au Castle club et cela en 1890.
Le temps passe et ça ne s’arrange pas en 1894, la veuve de Lord Carnegie le magnat de l’acier voulait que son yacht le Missoe arbore le guidon bleu du New York Yacht Club. Elle désirait seulement ce petit triangle pour le voir flotter sur son bateau, elle s’engageait à ne jamais se mêler de l’administration du club ni mettre les pieds dans les salons. Lady Carnegie avait des appuis puissants, le petit triangle n’a été obtenu pour elle qu’après qu’une assemblée extraordinaire très agitée ait délibéré… elle put même utiliser par la suite les débarcadères du club grâce à la grande mansuétude de ses membres…
En Europe, les membres des yacht clubs n’étaient pas aussi sectaires quant aux admissions.
On sait qu’en 1894, 30 anglaises arboraient un pavillon de club sur leur yacht, en France aussi cela était possible, ce qui l’était moins c’était de devenir propriétaire… femme et propriétaire était antinomique. Si elle était célibataire ce qui était insupportable, elle se retirait dans un couvent et c’est son papa ou son tuteur qui gérait ses biens et si elle était mariée la libre disposition de ses biens était réservée à son époux. Il restait un créneau quand elle était veuve.. ? Bien joué Max …
En 2004, devenir propriétaire de bateau de plaisance est surtout une histoire à régler avec son banquier et qu’importe le titulaire du chéquier pourvu que le compte soit alimenté…
Sauf pour une catégorie de bateaux qui va être crée spécialement pour faire des courses à ce moment là (1970 par là) il n’est plus possible de financer bourgeoisement l’engin… Ni homme ni femme, même combat !
D’une part parce que les bateaux sont des monstres et des gouffres financiers, d’autre part parce que la course n’est pas seulement une performance c’est un spectacle (et on ne se voile pas les yeux).
Ce qui entraîne les participants d’abord dans une course à l’argent avant la course au grand large.
Et les voilà financiers d’abord ces aventuriers professionnels, les skippers qui s’affrontent sur des bateaux à logo.
Et pour convaincre et ratisser les sponsors ? les skippers déploient un furieux charisme, une rage de gagner, un passé prometteur et une maîtrise de la météo, au final quel est l’argument qui fait la différence, une belle paire de…moustaches ou une belle paire… de nichons.. ?
Vendée Globe 2000, 22 participants, 2 participantes.
http://www.radiofrance.fr/sites/bleu-armorique/carre-bleu/gdlarge/vendee2000/portraits/index.php
Un vainqueur…Desjoyaux, …et une deuxième… devenue, elle, l’idole des houles, indiscutablement : Ellen Mac Arthur .
Précédée dans l’apothéose par Virginie HERIOT (1890-1932) qui fut la première grande régatière, la première barreuse à remporter une médaille olympique (1928) et Florence ARTHAUD (1957-….) qui en remportant en 1992 la Route de Rhum en battant de cinq heures le record de POUPON de 1988 a impressionné durablement tous ceux qui ne voyaient dans les courses en solitaire qu’une affaire d’hommes, et tous ceux qui affirment pour l’expliquer qu’elle est encore plus misogyne et bambocharde que les hommes.
Attendons l’épreuve 2004…pour voir…quelle virago…
http://vendee-globe.vendee.fr/
Vendée globe 2004 qui a bien failli finir en queue de poisson, (banale histoire de fisc et fric avec l’initiateur Philippe Jeantot.)
http://www.france-ouest.com/Dossiers/vendeeglobe2004.asp
Et c’est la queue de poisson qui m’y fait penser parce qu’en fin de compte (entendez-le comme vous vous voulez) tout bien réfléchi, la maritimisation des femmes ce n’est pas pour aujourd’hui. En 2004, elles demeurent : sirènes pour les poètes, ou morues pour les maquereaux, et dans l’un ou l’autre cas DANS L’EAU toujours.
Françoise Lebraud - Le Glas
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